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L' ÉCHANGE - Classes prépas -
      
 

L'échange. Tordre le cou à la rhétorique

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__________ Perspectives par J. Llapasset ___________

Comment sortir du discours convenu sur l'échange, cette rhétorique, cette forme indifférente au contenu que l'on retrouve déjà dans les articles parus sur l'échange?

C'est un discours convenu, passe-partout qui n'a pour but que de justifier la chute finale, toujours à la gloire de l'échange. Autant dire qu'il affirme sa vérité parce qu'il suit une méthode, un chemin tout tracé: une vérité quel que soit le contenu! Mais la règle d'or d'une dissertation c'est de toujours préférer l'ordre d'enchaînement du contenu ajusté au problème, et donc de tordre le cou à la méthode.

Résumons le discours convenu:

  • On commence par souligner l'importance de l'échange: en le réduisant à une essence, on l'affirme partout dans les relations humaines: le loup pointe son oreille et indique la vérité d'une opinion avant d'avoir même pensé: à bas le don, vive l'échange!

  • Dans une première partie, on admet qu'il semble menacé par le don. Le don ne serait-il pas le salut?

  • Bien vite dans une deuxième partie, on rassure tous ceux qu'on a inquiété: Eh bien non, car le don a un caractère obligatoire qui est aliénation: il faut rendre! Ce n'est pas un don, c'est l'échange déguisé, hypocrite. Au passage, on donne un coup de griffe au Bon Samaritain de l'Évangile: s'il est si discret, si généreux c'est qu'il espère recevoir au centuple.. de Dieu. D'ailleurs (argument massif !) il y a un témoin, l'hôtelier qui par son admiration montre bien que ce n'était pas un don mais un échange. A la limite on voudrait nous dispenser de la lecture du texte car nous découvririons qu'on fait dire au texte beaucoup plus que ce qui est écrit. Si le don n'est qu'un aspect de l'échange,  reste l'échange. Ce qu'on voulait établir.

  • Dans une troisième et dernière partie, on termine sur l'hégémonie et le triomphe de l'échange: d'ailleurs n'a-t-il pas envahi tous les rapports humains: gloire perpétuelle aux échanges! Même si le gros mange le petit?

Ce qui est retrouvé en réalité, c'est exactement le parcours des sophistes qui affirment toujours la vérité de ce qu'ils affirment en privilégiant la cohérence par rapport au contenu. On peut prouver n'importe quoi, par exemple que la vérité a un prix.

La question fondamentale est pourtant: qu'y a-t-il dans le phénomène du don et  qu'y a-t-il dans le phénomène de l'échange ?Répondre par une simple enquête sur une société particulière c'est céder au mythe de l'origine, c'est refuser à l'homme le pouvoir d'inventer une morale ouverte, c'est le noyer dans une continuité sans rupture. Il faut donc utiliser le texte de Mauss: L'échange une figure du don (*lien en ouverture nouvelle fenêtre sur votre écran), comme une enquête précieuse sur une continuité.

Mais en acceptant de qualifier ces formes d'échanges du terme "don", en simplifiant, il ne faut pas être dupe des mots. Le "don" peut renvoyer à une tout autre signification qui le sépare radicalement de l'échange. 
Par exemple, toute pensée nouvelle , et singulièrement celle de Michel Henry , doit bien utiliser des termes qui ne l'expriment pas  parfaitement jusqu'à ce qu'elle ait choisi ou produit ses propres termes. De même: que le don ait longtemps signifié une forme d'échange comme phénomène total, ne signifie pas qu'il n'ait pas  pris , à un moment donné,  un tout autre sens. Vouloir nier cela relève d'un a priori réducteur et d'une certaine matière qui, posée devant les yeux,  rend aveugle.

Qui nous fera croire qu'il suffit de vivre son époque pour la transformer? A quoi sert alors un État républicain et un Gouvernement: tout est-il écrit dans le passé (la vérité c'est ce que j'ai écrit dit le sophiste Protagoras), ou alors un nouveau texte plus vrai et plus juste ne peut-il être écrit? Sans aller jusque là peut-on espérer des dissertations où celui qui la rédige ait le courage d'écrire son texte et de secouer le cocotier de l'opinion pour penser par lui même avec les autres, au besoin hors du discours convenu, qui n'est que celui de la médiocrité et de la lâcheté, même si ce qui est convenu se vend bien.

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