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L' ÉCHANGE - Classes prépas -
      
 

L' intérêt au fondement de l'échange.

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__________ Perspectives par J. Llapasset ___________

Smith fut un brillant universitaire, professeur de morale.
Croire que la sympathie, source de bienveillance, fonde les relations humaines dans les échanges c'est s'exposer à bien des déceptions, à bien des calculs déçus par l'inconstance du sentiment. Pour qu'il y ait interaction dans ce que nous appelons les échanges, le besoin, l'intérêt personnel égoïste, suffit. Ce qui revient à dire qu'il vaut mieux compter sur l'intérêt de notre boulanger que sur sa sympathie.
L'échange , en effet, ne saurait être fondé sur les fluctuations du sentiments qui déçoivent tout calcul, mais sur la permanence de l'intérêt bien compris. L'intérêt bien compris exige que l'intérêt de ceux qui échangent soit pleinement satisfait. Comment est-ce possible? 
En proposant à l'autre un avantage, nous l'intéressons, nous amorçons une relation d'échange par laquelle nous recevrons un bien pour notre intérêt personnel. Mais ce que nous mettons en avant c'est l'intérêt égoïste d'autrui. C'est dire si l'échange est pleinement fondé par l'intérêt.

"… On n'a jamais vu d'animal chercher à faire entendre à un autre par sa voix ou ses gestes: Ceci est à moi, cela est à toi; je te donnerai l'un pour l'autre. 
Mais l'homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il l'attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur intérêt personnel et s'il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu'il souhaite d'eux. C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque; le sens de sa proposition est ceci: Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-même; et la plus grande partie de ces bons offices qui nous sont nécessaires s'obtiennent de cette façon. Ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage...  " 
Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations,1776, Garnier Flammarion, page 84

Pour le moraliste tout ce qui peut arriver arrive, hélas. Il faut donc assurer l'échange autrement que par la morale . Quoi de mieux que la certitude d'un déterminisme? Appuyer l'échange sur ce qui est et non sur ce qui doit être. Alors l'échange serait régulé par un mécanisme qui s'exercerait indépendamment de la bonne volonté de ceux qui échangent. Le mécanisme , lui, est bien plus fiable que la bonne volonté qui est rarement au rendez-vous!
Alors que la morale est de l'ordre de l'exceptionnel car elle s'évertue à faire apparaître ce qui doit être au risque de repousser le progrès et la paix à l'infini d'une Idée, l'intérêt égoïste assure dans l'ici et le maintenant la validité de l'échange en l'accompagnant nécessairement  et l'accomplissant pour ainsi dire: dès lors, ne nous fatiguons pas, il faut laisser agir ce qui est, laisser faire cette main invisible qui n'est que la figure d'un déterminisme régulateur. C'est la générosité restreinte qui est fondement de l'échange.. Par exemple, dans une classe bourdonnante, ne suffit-il pas de promettre une note pour l'exercice, pour que chacun s'affaire immédiatement. Une note en échange de votre travail. Dans une classe comme dans une réunion internationale l'intérêt immédiat prime encore toujours sur la morale et sur le futur.
L'échange n'implique-t-il pas la satisfaction de l'acheteur qui satisfait le vendeur? Serait-ce que comme une main invisible le déterminisme de l'intérêt régulerait les échanges?

Quelques questions critiques:
Cela n'exige-t-il pas, au moins, une certaine égalité entre ceux qui échangent car, que peut celui qui n'a rien en face de celui qui possède? Celui qui n'a rien existe-t-il autrement que comme un simple moyen? Qui possède le Capital et l'outil de production? protestera Marx.
Est-il bien raisonnable de demander, au nom de la raison, que l'État n'intervienne pas dans l'échange économique au risque de considérer une situation -d'injustice et d'inégalité- croissant sans cesse, comme normale?
Le rationnel est-il toujours raisonnable?

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