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L' échange - Rapport créancier / débiteur

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__________ Perspectives par J. Llapasset ___________

Il n'est pas question de nier que apprendre transforme. Mais, on l'accordera, ne peut être transformé que ce qui est modifiable. Le Même qui revient  comme un rythme, comme un instinct est un granit sur lequel peuvent se dessiner des exceptions mais qui, en lui même, dans le temps, ne change pas. En ce sens le rythme comme retour du même temps fort demeure. Ainsi, l'échange n'aurait rien perdu de son fondement: le contrat initie toujours un rapport débiteur / créancier et produirait toujours l'équivalence odieuse avantage / satisfaction, comme si la souffrance du débiteur était une des principales "motivations"(de l'échange)que la conscience superficielle, simple reflet, est bien incapable de penser. La compensation donnerait-elle un droit à la cruauté ?

L'animal humain serait-il régulier ? Pour imprimer quelque chose de régulier il a fallu un long travail historique, celui de la moralité des mœurs. Nietzsche évalue l'origine de l'échange, les concepts débiteur / créancier qu'il interprète parce que ce ne sont que des perspectives, et met en évidence la cruauté comme instinct qui domine .
Nietzsche vient de formuler un problème: cette idée que tout dommage peut être compensé par une douleur que subirait l'auteur du dommage, d'où a-t-elle tiré sa puissance ? (Elle est inextirpable).

" C'est là que l'on promet, c'est là qu'il s'agit de faire une mémoire à celui qui promet, c'est là encore, on peut le soupçonner, que la dureté, la cruauté, la violence trouveront libre carrière. Le débiteur, pour inspirer confiance en sa promesse de remboursement, pour donner une garantie du sérieux, du caractère sacré de sa promesse, pour graver dans sa propre conscience la nécessité du remboursement sous forme de devoir, d'obligation, s'engage, en vertu d'un contrat, auprès du créancier, pour le cas où il ne paierait pas, à l'indemniser par quelque chose d'autre qu'il <possède>, qu'il a encore en sa puissance, par exemple son corps, sa femme, sa liberté, voire même sa vie. Mais le créancier pouvait notamment dégrader et torturer de toutes les manières le corps du débiteur, par exemple en couper telle partie qui parût en proportion avec l'importance de la dette …. Rendons-nous compte de la logique qu'il y a dans cette forme de compensation elle est assez étrange. Voici en quoi consiste l'équivalence aux lieu et place d'un avantage, qui compense directement le dommage causé (donc au lieu d'une compensation en argent …), il est accordé au créancier une sorte de satisfaction en manière de remboursement et de compensation, - la satisfaction d'exercer, en toute sécurité, sa puissance sur un être réduit à l'impuissance, la volupté "de faire le mal pour le plaisir de le faire ", la jouissance du viol… " 
Nietzsche, La généalogie de la morale, deuxième dissertation, V.

Cette séquence décisive de la généalogie, nous l'éclairons maintenant grâce au commentaire que nous en donne Michel Henry dans Généalogie de la psychanalyse.

Considérons en effet la séquence décisive de la généalogie. Elle intervient lorsque le débiteur ne rembourse pas le créancier, lequel a droit alors à une étrange compensation, non plus un équivalent en nature, en argent, en terre ou sous la forme d'un bien quelconque, mais le droit justement de frapper, de maltraiter, de mépriser, d'insulter et même de violer, le droit de faire souffrir de toute manière. D'où la question abyssale de la généalogie "comment la souffrance peut-elle être une compensation pour des dettes?". Et la réponse, non moins abyssale "parce que faire souffrir donnait un très grand plaisir et que celui qui avait subi le dommage et ses désagréments obtenait en échange une extraordinaire contre-jouissance faire souffrir - véritable fête... ". Et encore " voir souffrir fait du bien, faire souffrir, plus de bien encore... ". 
Michel Henry, Généalogie ... page 285

Cela semble nous renvoyer à l'unité originelle de la souffrance et de la joie et à la vie comme épreuve de soi. Répondre à ce problème est la tâche d'une phénoménologie radicale. Miche Henry a effectué cette tâche et l'a menée jusqu'à son terme. Jusqu'au "Rassemblement intérieur originel en lequel réside l'essence de toute puissance ... l'éternelle étreinte avec soi de l'être et son pathos ... l'essence même de notre être." M. Henry Généalogie de la psychanalyse, page 398.  Bonne lecture.

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