Dualité ne
désigne pas deux points de vue différents sur un phénomène, si ces
deux points de vue sont successifs dans le temps. Ce qui ne se
rencontre pas ne saurait être contradictoire. Par
exemple, sur la lumière,
que la théorie ondulatoire ait historiquement supplanté, un certain
temps,la théorie corpusculaire ne fait pas émerger une dualité:
simplement un point de vue sur le phénomène succède à un autre point
de vue.
Dualité désigne
deux éléments différents
(corpuscule / onde) qui
coexistent et provoquent une tension,un
antagonisme, au coeur d'un même phénomène. C'est alors qu'une
dualité se révèle et, souvent, semble narguer le chercheur qui serait
resté épris du principe de contradiction.
Après tout, un amphithéâtre ne saurait être en même temps rempli
d'étudiants et vide d'étudiants. Si
A = A, A # B
La
théorie corpusculaire de la lumière s'appuyait sur l'évidence
donnée par des expériences simples, faciles à reproduire. Selon
cette théorie corpusculaire la lumière était composée de
corpuscules - en mouvement rapide - en ligne droite. Ces trois
caractéristiques semblaient solidement établies. Un rayon incident
n'était-il pas réfléchi par un miroir tout comme le rebond d'une
balle sur un mur. Pour la vitesse, un feu allumé sur une tour,
caché par une couverture, et un observateur sur une autre tour, à
bonne distance, deux chronomètres bien réglés l'un sur l'autre,
permettaient de révéler une grande vitesse pour peu qu'on se soit
entendu pour que la couverture soit enlevée à un moment T du
temps. Quant à la ligne droite, n'obtient-on pas trois points
alignés A, B, C, avec tout simplement, une source lumineuse, un
petit drapeau et un écran?
Il est vrai qu'un observateur au bas d'une montagne voyait la
lumière avant que le soleil ne soit aligné avec son oeil et le
haut de la montagne. Mais ces phénomènes (de diffraction)
pouvaient rangés par l'esprit paresseux au rang de l'exception qui
confirme la règle.
Des
théories et des expérimentations vont pourtant sembler falsifier définitivement
la théorie corpusculaire en fonction de la théorie ondulatoire qui
sera adoptée.
Pour l'exemple du drapeau et de l'écran, le point C sur l'écran
n'existe pas, l'observation fine donnant en fait une zone floue
d'ombre et de lumière.
Expérimentation décisive: en utilisant une source lumineuse, il
est possible de la transformer en deux sources cohérentes: on
obtient sur un écran des interférences qui caractérisent la
rencontre de deux trains d'ombres.
Le rayon réfléchi et le rayon incident ne sont pas identiques et
ne sauraient donc être comparés à des balles qui rebondissent en
restant les mêmes: c'est que, au rayon indicent s'ajoute dans le
rayon réfléchi le rayonnement de la molécule excitée par le
rayon incident (effet Raman).
Parce qu'elle explique un plus grand nombre de phénomènes que la
théorie corpusculaire et qu'elle permet de réviser les réviser
les résultats de la théorie corpusculaire, parce qu'elle semble la
falsifier, la théorie ondulatoire est adoptée en lieu et place de
la théorie corpusculaire.
Jusque là,
nous ne pouvons pas parler de dualité, puisque les points de vue sont successifs:
le premier disparaît pour laisser la place au second.
La
dualité du phénomène se révèle, envers et contre toute
logique classique, par une expérimentation qui met en
évidence l'effet photoélectrique et donc l'aspect corpusculaire
des ondes lumineuses. Des ondes, à elles seules, ne sauraient
bombarder une falaise. Or un flux lumineux peut arracher des
électrons et produire un courant électrique qui est fonction de
l'éclairage. (D'où la bonne vieille cellule photoélectrique que
portaient avec eux les photographes d'antan). La lumière a donc un
aspect corpusculaire et....un aspect ondulatoire car il n'est
pas question de renoncer aux interférences, aux diffractions... qui
établissent l'aspect ondulatoire de manière incontestable:
Une dualité scientifique se révèle alors: comme
phénomène, la lumière a un aspect mécanique et un aspect
ondulatoire.
On va rester,
pour ainsi dire, le bec dans l'eau, devant cette dualité qui défie la
logique classique.
C'est Louis de Broglie, qui, en 1924, concevra la théorie de la
mécanique ondulatoire (il y aurait une sorte d'entité à deux faces):
cette théorie restera pure théorie pendant des années: elle
sera confirmée en 1927 par les très belles expérimentations de
Davisson et Germer.
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