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PHILOSOPHIE - CLASSES PREPAS par J. Llapasset

Dualité  Autour du thème:

La lumière : comment une dualité se révèle-t-elle ?

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_____________  Perspectives par Joseph Llapasset   ______________

 


Dualité ne désigne pas deux points de vue différents sur un phénomène, si ces deux points de vue sont successifs dans le temps. Ce qui ne se rencontre pas ne saurait être contradictoire.
Par exemple, sur la lumière, que la théorie ondulatoire ait historiquement supplanté, un certain temps,la théorie corpusculaire ne fait pas émerger une dualité: simplement un point de vue sur le phénomène succède à un autre point de vue.

Dualité désigne deux éléments différents (corpuscule / onde) qui coexistent et provoquent une tension,un antagonisme, au coeur d'un même phénomène. C'est alors qu'une dualité se révèle et, souvent, semble narguer le chercheur qui serait resté épris du principe de contradiction. Après tout, un amphithéâtre ne saurait être en même temps rempli d'étudiants et vide d'étudiants. Si A = A, A # B

La théorie corpusculaire de la lumière s'appuyait sur l'évidence donnée par des expériences simples, faciles à reproduire. Selon cette théorie corpusculaire la lumière  était composée de corpuscules - en mouvement rapide - en ligne droite. Ces trois caractéristiques semblaient solidement établies. Un rayon incident n'était-il pas réfléchi par un miroir tout comme le rebond d'une balle sur un mur. Pour la vitesse, un feu allumé sur une tour, caché par une couverture, et un observateur sur une autre tour, à bonne distance, deux chronomètres bien réglés l'un sur l'autre, permettaient de révéler une grande vitesse pour peu qu'on se soit entendu pour que la couverture soit enlevée à un moment T du temps. Quant à la ligne droite, n'obtient-on pas trois points alignés A, B, C, avec tout simplement, une source lumineuse, un petit drapeau et un écran?
Il est vrai qu'un observateur au bas d'une montagne voyait la lumière avant que le soleil ne soit aligné avec son oeil et le haut de la montagne. Mais ces phénomènes (de diffraction)  pouvaient rangés par l'esprit paresseux au rang de l'exception qui confirme la règle.
 

Des théories et des expérimentations vont pourtant sembler falsifier définitivement la théorie corpusculaire en fonction de la théorie ondulatoire qui sera adoptée.
Pour l'exemple du drapeau et de l'écran, le point C sur l'écran n'existe pas, l'observation fine donnant en fait une zone floue d'ombre et de lumière.
Expérimentation décisive: en utilisant une source lumineuse, il est possible de la transformer en deux sources cohérentes: on obtient sur un écran des interférences qui caractérisent la rencontre de deux trains d'ombres.
Le rayon réfléchi et le rayon incident ne sont pas identiques et ne sauraient donc être comparés à des balles qui rebondissent en restant les mêmes: c'est que, au rayon indicent s'ajoute dans le rayon réfléchi le rayonnement de la molécule excitée par le rayon incident (effet Raman).
Parce qu'elle explique un plus grand nombre de phénomènes que la théorie corpusculaire et qu'elle permet de réviser les réviser les résultats de la théorie corpusculaire, parce qu'elle semble la falsifier, la théorie ondulatoire est adoptée en lieu et place de la théorie corpusculaire.

Jusque là, nous ne pouvons pas parler de dualité, puisque les points de vue sont successifs: le premier disparaît pour laisser la place au second.

La dualité du phénomène se révèle, envers et contre toute logique classique, par une expérimentation  qui met en évidence l'effet photoélectrique et donc l'aspect corpusculaire des ondes lumineuses. Des ondes, à elles seules, ne sauraient bombarder une falaise. Or un flux lumineux peut arracher des électrons et produire un courant électrique qui est fonction de l'éclairage. (D'où la bonne vieille cellule photoélectrique que portaient avec eux les photographes d'antan). La lumière a donc un aspect corpusculaire  et....un aspect ondulatoire car il n'est pas question de renoncer aux interférences, aux diffractions... qui établissent l'aspect ondulatoire de manière incontestable:
Une dualité scientifique se révèle alors:  comme phénomène, la lumière a un aspect mécanique et un aspect ondulatoire.

On va rester, pour ainsi dire, le bec dans l'eau, devant cette dualité qui défie la logique classique.
C'est Louis de Broglie, qui, en 1924, concevra la théorie de la mécanique ondulatoire (il y aurait une sorte d'entité à deux faces): cette théorie restera pure théorie pendant des années: elle  sera confirmée en 1927 par les très belles expérimentations de Davisson et Germer.