Rappelons
que nous vous proposons des pistes: vous avez à
choisir, à reprendre tel ou tel aspect, en pensant par vous même,
sous le regard de tous, en vous détournant de l'opinion
particulière pour vous tourner vers une pensée universelle que
vous aurez produite. L'opinion est de l'ordre du contingent, du
devenir, la pensée est de l'ordre du nécessaire, ou du moins
de l'universel qu'elle vise.
D'abord,
voici deux pistes incontournables:
Kant, Critique de la raison pratique.
M. Lucchesi, A chacun selon son mérite, Ellipses,
1996.
"Je n'ai jamais trompé ma femme:
aucun mérite: je l'aime" Daudet |
Étonnez-vous
! Cette bonne note à ce concours, je l'ai obtenue, je la méritais.
Pourtant, j'ai bien eu de la chance car j'avais soigneusement préparé
le sujet qui est sorti: sauver les phénomènes ...
Dire que l'on mérite une chose, n'est-ce pas confondre le devoir
avec l'amour de soi ou la recherche de la gloire. Alors on agit
conformément au devoir et non par devoir: où est le mérite?
N'est-ce pas réclamer un droit strict là où il n'y a qu'un
droit moral? n'est-ce pas finalement succomber à la flatterie?
"Le mérite envie le succès et le succès se prend pour
le mérite" écrit avec beaucoup de finesse Jean
Rostand, dans De la vanité, page 13.
Mériter
signifie avoir un droit moral à quelque chose (quoi que ce soit)
= avoir un mérite = droit moral à une récompense conféré par
un acte à celui qui l'a accompli par devoir. C'est à dire en ne
prenant en compte ni ses intérêts, ni les privations, ni les
douleurs, ni les souffrances, ni les passions.
=>
Qu'est-ce qui permet de dire qu'une note est méritée? Ne
faudrait-il pas dire simplement qu'elle est obtenue? Qui est
capable de sonder les reins et les coeurs sinon Dieu dans un autre
monde. Ainsi le mérite ne peut que postuler l'existence d'un Dieu
seul capable de récompenser à juste titre.
Par
exemple:
si
le bonheur ne peut être réalisé, cela amène à affirmer qu'il
peut se mériter, cela amène à postuler Dieu et l'immortalité
de l'âme pour que la récompense puisse être donnée (postulats
de la raison pratique). "Le mérite c'est d'ajourner le
bonheur" J. Lachelier.
Difficulté:
comment pénétrer et discerner les autres?
Comment
mesurer la part de l'inconscience dans la meilleure des actions?
Notons l'extrême facilité que l'opinion a d'attribuer des mérites
là où il n'y avait qu'hypocrisie et copiage.
Après tout certains diront que si la difficulté d'un acte tient
à la faiblesse de celui qui l'accomplit, à son imperfection
morale: comment une faiblesse pourrait-elle accroître le mérite?
A ce compte, la vertu de celui qui est habitué au bien, ferait
disparaître son mérite!
=>
Que le mérite valorise l'agent, c'est une chose, mais qu'il donne
un droit sur une chose, quelle qu'elle soit, c'est autre chose:
peut-on dire: je le mérite = je dois le recevoir, le posséder,
comme on reçoit un salaire. N'est-ce pas opérer un glissement de
sens.
Peut-on invoquer le droit moral comme si c'était un droit strict
pour obtenir une chose quelconque? Au risque de confondre le droit
avec la valeur.
C'est donc le complément d'objet direct: "quoi que ce
soit" que vous devez interroger, me semble-t-il.
"Au lieu de vanter les mérites d'une personne, il suffit
de signaler les faits ..." affirme Ch. Perelman dans son
Traité de l'argumentation, page 244.
Bon
courage.
Ne
vous noyez pas
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