Rappelons
que nous vous proposons des pistes: vous avez à
choisir, à reprendre tel ou tel aspect, en pensant par vous même,
sous le regard de tous, en vous détournant de l'opinion
particulière pour vous tourner vers une pensée universelle que
vous aurez produite. L'opinion est de l'ordre du contingent, du
devenir, la pensée est de l'ordre du nécessaire, ou du moins
de l'universel qu'elle vise.
Devant
un sujet de colle, la réaction immédiate est souvent de ne lui
trouver aucun sens. Pourtant votre sujet est excellent en ce qu'il
oriente vers ce qui importe vraiment pour comprendre un être
raisonnable sensiblement affecté. Je vous propose un parcours,
un ordre de recherche possible pour n'importe quel sujet de colle,
et singulièrement ceux qui paraissent saugrenus.
Prêt ? Partons ensemble.
-
Nous allons
suivre le conseil de Francis Ponge: lui,qui n'avait aucun dégoût
pour les animaux et en particulier les araignées, utilisait
Le Petit Robert pour la recherche des idées.
- A.
Le parcours préalable:
Prenons donc Le Petit Robert et assurons-nous du sens de "dégoûter"
avec un complément d'objet direct. Cherchons si une des citations
proposées dans le dictionnaire pour illustrer la définition du
terme ne serait pas une promesse d'idées pour répondre à notre
sujet. Puis essayons d'exprimer (de presser) le sens et le suc, la
richesse de la citation. Si vous avez pris effectivement Le Petit
Robert, une citation vous saute aux yeux:
"Le
désir et le dégoût sont les deux colonnes du temple du Vivre."
Paul Valéry.
Avec Valéry nous serons en bonne compagnie.
-
Le temple: ce qui mène à l'essentiel et le protège du
profane en l'entourant: ici l'essentiel c'est le Vivre,
qui, avec une majuscule signifie, Vivre sa vie, en cherchant son
bonheur et en fuyant le malheur. Le centre du temps c'est donc le
moi avec son affectivité comme recherche de l'agréable et fuite
du désagréable: remarquez que la fuite du désagréable équivaut
à une recherche de l'agréable, en particulier si le plaisir est
vraiment simple cessation de la douleur.
On comprend pourquoi les colonnes du temple sont le désir et le dégoût.
-
Les colonnes: c'est le support vertical, ce qui supporte
le toit, c'est comme une colonne vertébrale, ce qui fonde, ce qui
donne un sens, ce sans quoi le "Vivre" ne serait pas le
Vivre d'une vie humaine.
=>
Dans tous les cas, faut-il le rappeler, il s'agit de la vie d'un
être raisonnable sensiblement affecté qui cherche donc et le
devoir parce qu'il est raisonnable, et le plaisir parce qu'il est
sensiblement affecté: il a une morale et des appétits, il pourra
donc être dégoûté par ce qui lui coupe l'appétit ou parce qui
provoque de l'aversion par sa laideur morale.
- B.
Votre sujet:
Ayant mieux compris l'importance et l'enjeu du sujet, il
faudrait maintenant s'interroger en interrogeant le sujet, dans un
dialogue intérieur avec la formulation de la question posée et
avec soi-même. Il s'agit d'arriver à l'activation de votre
" balance intérieure"; que ce soit le même qui sache
interroger et qui sache répondre.
-
Qui a-t-il d'étonnant dans ce sujet? On attendait peut-être que
le dégoût soit attribué au sujet; or la capacité de le
produire semble être attribuée à une chose, ou à plusieurs
choses.
-
"Nous". On attendait, à chacun; mais ce nous,
peut très bien signifier que ce qui dégoûte provoque un dégoût
tourné vers tous, un dégoût universel et partagé. Or il semble
incontestable que ce qui peut nous dégoûter varie selon chacun:
le sang versé ne dégoûte pas le bourreau; la chasse ne dégoûte
pas le roi qui loin d'avoir l'appétit coupé "a grand
faim..."
D'autres seraient dégoûtés au point d'en perdre l'appétit et
d'être indignés à la simple vue du spectacle de l'être torturé
et à la vue de l'amoncellement, du carnage des animaux abattus.
-
"Dégoûter". Notez que ce verbe transitif
oriente l'action, la fait porter sur un complément d'objet
direct. Qu'est-ce qui, dans la réalité peut nous dégoûter,
provoquer une passion en exerçant une action sur notre corps et
sur notre esprit, en éteignant le besoin comme le désir.
=>
Si je posais la question aux auditeurs, j'aurais
probablement une diversité de réponses, autant de réponses que
d'auditeurs. Il me serait impossible à partir de toutes ses différences
de déterminer ce qui peut nous dégoûter. Je ne pourrais qu'énumérer
à l'infini... Comment tirer une définition d'exemples, s'il y a
des exemples de tout. Il faut donc s'orienter vers la recherche de
caractéristiques essentielles qui permettraient peut être
d'obtenir l'idée, la vision intuitive et intellectuelle de ce qui
peut nous dégoûter.
-
"Peut". Ce terme pourrait-il lever la
difficulté? Ce qui rend possible le dégoût, la condition qui
doit accompagner ce qui peut nous dégoûter.
-
"Qu'est-ce qui". Marque qu'il s'agit de trouver
une réalité définissable: qu'est ce que cela est, ce qui peut
nous dégoûter.
=>
La recherche du problème, de la question
fondamentale soulevée par la question permettrait alors
d'avancer. En effet, un problème bien posé entraîne le
mouvement de pensée qui permet de lui répondre: ce mouvement
serait le plan du devoir.
L'enjeu
d'un tel sujet: il s'agit de l'homme, de
l'existence humaine de la relation avec l'extérieur qui se
constitue et se reconstitue sans cesse en fonction de l'affectivité.
Bonne
continuation
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