Rappelons
que nous vous proposons des pistes: vous avez à
choisir, à reprendre tel ou tel aspect, en pensant par vous même,
sous le regard de tous, en vous détournant de l'opinion
particulière pour vous tourner vers une pensée universelle que
vous aurez produite. L'opinion est de l'ordre du contingent, du
devenir, la pensée est de l'ordre du nécessaire, ou du moins
de l'universel qu'elle vise.
Raphaël,
Le Corrège ne nous ont montré dans leurs figures que
le reflet ... d'une sérénité inébranlable."
Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation,
Tome I, page 430
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Je
conseille souvent de commencer par le dernier terme du sujet et
... de remonter.
malheur:
ici il ne s'agit pas d'un malheur mais de: le malheur; c'est à
dire une situation propre à la condition humaine. Le malheur a
une origine. par exemple Camus écrit: "Tout le malheur des
hommes vient de l'espérance."
Quelle
est donc l'origine du malheur comme condition humaine?
Fait partie de la condition humaine ce qui a pour origine la
conscience: si la conscience est malheureuse, déchirée le
malheur sera au fondement de l'existence humaine. Dans l'introduction
à La philosophie de l'histoire de Hegel, par Jean
Hyppolite,
Seuil,
page 31, on peut lire: "Je suis ce combat, je ne suis pas
un des termes engagés dans le conflit, mais je suis les deux
combattants et le combat lui même, je suis le feu et l'eau, qui
entrent en contact et le contact est l'unité de ce qui
absolument se fuit." Il faut comprendre que la conscience
humaine est soumise à une dualité: d'une part la conscience
finie, sensible et d'autre part une conscience infinie qui par
la pensée s'élève à l'absolu (Dieu). Ces deux instances se
combattent.
Par exemple: la sensibilité est déterminée par l'entendement
dans la connaissance qui rattache une intuition sensible à un
concept. Autre déchirement dans le devoir qui demande de ne pas
prendre en considération le sensible, qui commande absolument
indépendamment de tout appétit sensible. Le plaisir est source
de mauvaise conscience avec le cortège de la honte, du
sentiment de la faute, du remords..
Si
toute conscience est mémoire et anticipation, nous devons bien
reconnaître qu'elle sera peuplée de fantômes, les remords et
les regrets, et qu'elle sera habitée par le souci, la peur ou même
l'angoisse d'autant plus terrifiante que nous ne lui trouvons pas
de cause précise.
Voilà la conscience malheureuse contemporaine ...
L'artiste
qui rend sensible la vérité des événements pour Hegel, les
fait entrer dans l'ordre de la permanence, ce qui, avouons-le, est
une maigre consolation puisque la conscience de l'artiste n'échappera
pas pour cela au devenir qui la ronge.
Il me semble qu'il faudrait maintenant s'orienter vers
Schopenhauer. Rassurez-vous, on se rapproche de votre sujet.
L'homme
comme un balancier oscille de la souffrance du désir qui est
manque à l'ennui ( = c'était que ça!). Lui aussi est dans le
malheur. D'abord parce qu'il est indigent et ensuite parce qu'il
est entouré d'un horizon clos. Un vouloir vivre aveugle, jamais
satisfait, le traverse.
Que
vient faire l'art dans tout cela?
Puisque la volonté qui n'est autre que le désir taraude
inutilement l'homme et le laisse sans repos, les plus grands
esprits finissent par découvrir la possibilité de la paix, du
repos de l'âme de la sérénité qui est la contemplation par
l'anéantissement du désir. "Le sourire aux lèvres, il (=
l'homme) contemple paisiblement la farce du monde".
L'art a pour fonction de faire apparaître,à nous tous, le
reflet de cette paix, de ce repos profond de l'âme:
c'est le privilège de la contemplation esthétique. C'est l'évangile
de Schopenhauer, "La bonne nouvelle" dévoilée de la
manière la plus complète la plus certaine par la philosophie et
suggérée par l'art."L'art nous donnerait alors cette idée
qu'une consolation est possible dans un reflet.
Est-il
possible d'aller plus loin pour répondre OUI à votre sujet?
Si le
bonheur est compromis , il me semble que l'art peut consoler
l'homme de son malheur: prenons consoler dans son
sens de soulager, d'alléger une situation pénible. En effet,
lorsque je dis "c'est beau", il n'y a plus de déchirement
entre une sensibilité à qui la pensée ferait la guerre: point
de jugement de connaissance qui déterminerait le sensible ce qui
amène à rendre la sensation introuvable, à l'exclure, point de
morale dans l'art qui demanderait de refouler une partie de soi,
point de plaisir qui fuit et qui grimace de désespoir dans la
fuite si l'art exclut le désir. ... une satisfaction née
du libre jeu de mes facultés qui loin de se faire la guerre se
renvoient la balle et jouent l'une avec l'autre: cette
satisfaction désintéressée, au contraire du plaisir qui disparaît
dès qu'on l'a, dure et, lorsque je sors de ce ravissement dans
lequel m'a plongé l'exercice de ma liberté, je dis: déjà !
Si
consoler c'est alléger, adoucir une situation pénible c'est bien
une consolation que l'art me donne dans un ici et un maintenant,
dans un instant de bonheur et de joie. Pour un temps, le conflit a
cessé et pour un temps qui me permet, contrairement à ce que dit
Camus, d'éprouver l'espérance.
Si l'espérance n'a rien à voir avec l'espoir qui est la malédiction
du présent, c'est que, alors que dans l'espoir l'avenir maudit le
présent, dans l'espérance le présent bénit l'avenir.
Bonne continuation. Vous avez bien vu que Ricœur domine d'une tête
notre époque, non seulement par la qualité de sa pensée, par sa
vérité si vous voulez, mais parce qu'il a su retrouver, la vérité,
la justice, la beauté aux sources du Bien.
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