Il
n'y a pas de preuve sans expérience. Mais toute expérience
objective est une construction: dans ces conditions, elle ne
vaut que ce que vaut la construction, que ce que vaut le sujet
qui l'a construite avec comme fondement un acte de
transcendance, un dépassement, une sorte de pari qui condamne le
"parieur" à une marche d'erreurs rectifiées en erreurs
rectifiées. Cela revient à frapper les formes de croyance
d'une marque indélébile: le sceau du provisoire. La croyance
devient alors un simple terme qui permet de désigner n'importe
quoi de ce qui apparaît dans l'objectivité d'un trou de
lumière, d'un horizon qui fait de tout objet un être
de fuite toujours vacillant. A cette multiplicité de formes
Michel Henry oppose une forme ou idée de la croyance, établie sur une expérience que chacun peut
éprouver(dans tous les sens du terme). En cela il rejoint
Pascal et ce fameux "abêtissez-vous" qu'on a si mal
compris.
Autant
dire que toutes les formes de croyance ne peuvent apparaître
sans une forme fondamentale, l'essence de la manifestation. |
Pour
effectuer le parcours qui vous est proposé ici, vous pourriez commencer
par lire dans citations, le
texte de Spinoza. (citation N°7), puis Spinoza
et Michel Henry par Roland Vaschalde. (liens
en ouverture nouvelle fenêtre sur votre écran)
… cette expérience lui
advient chaque fois que, écoutant la Parole et s’abandonnant à
elle, il fait la volonté de Dieu. Ainsi, dans l’œuvre de miséricorde,
s’oubliant lui-même et laissant toute place en lui à
l’accomplissement de cette volonté, il n’est plus rien
d’autre qu’elle. Quand donc son action est devenue la volonté
du Père, celui qui l’accomplit éprouve l’extraordinaire élargissement
d’un cœur délivré de toute finitude et du fardeau de l’égoïsme
humain; il sait que la Parole dont il suit l’enseignement
paradoxal ne vient pas d’un homme mais de Dieu. Ainsi expérimente-t-il
encore en lui la vérité de la promesse faite par le Christ: «Si
vous demeurez fidèles à ma parole, vous êtes vraiment mes
disciples; alors vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous
rendra libres» (Jean 8,32).
Michel
Henry, Paroles du Christ, Seuil (page 153) |
Réduire
toutes les formes de croyance à une sorte de commun dénominateur, par
exemple l'intervention de la volonté qui affirme plus que ce qu'elle ne
sait, de la volonté comme acte de transcendance,pouvoir de dépassement
et d"affirmation, c'est singulièrement et définitivement appauvrir
le thème de la croyance en excluant la possibilité d'une Volonté
immanente qui soit Parole.. C'est décider de se perdre dans les jeux de
la sophistique -qui espère vendre sa camelote sous prétexte que tout est
camelote-,, dans les méandres de la transcendance qui fuit toujours ce qui
la constitue, cette épreuve de soi qu'est le sentiment, la vie: sans elle
pourtant la transcendance elle même se perdrait sans cesse dans
l'inconscience de ce qui n'est pas présence à soi.
Ce texte, est un des derniers de Michel Henry qui, avant de nous quitter
(mais nous a-t-il quitté?), nous répétait, au cours de longues
promenades dans le vieux Montpellier, qu'il voulait faire quelque
chose pour l'humanité. Nul doute que son dernier livre, à ses yeux, ne
devait réaliser son intention. Il
y a donc du bonheur à le proposer à ceux qui devront, cette année,
réfléchir et penser sur la croyance.
Cette ouverture contemporaine sur l'être de la croyance,d'un
maître incontesté de la phénoménologie ,permettra alors de distinguer ce qui ne
saurait être confondu. Loin de nous enfermer dans l'horizon monotone
d'objets que le doute ronge dès leur constitution, la croyance, vie
et vérité,nous ouvre à la liberté, elle qui ne peut être
menacée par le doute parce que, elle seule a pour preuve une expérience
dont elle surgit, une expérience qui ne porte pas la marque du monde:
l'intentionnalité.
Un peu plus loin, Michel Henry pourra donc opposer la Parole de vie aux
paroles des hommes: "Celui qui dit: la
séance est ouverte, le tyran ou le dictateur ou le président auquel
on obéit sans qu'il élève la voix sera peut être éliminé demain par
ceux qui s'inclinent aujourd'hui -et qui connaîtront à leur tour
le même sort." Ibidem page 154.
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