Humaniser l’humanité
désormais en multitude.
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L’enjeu
n’est autre que, face aux impasses croissantes et cruelles du Malaise
dans la civilisation, il s’agit,
selon la formule de Legendre, d’« humaniser »
inlassablement au cœur des conditions de reproduction généalogiques
(droit et politique) de l’humanité désormais en multitude.
Le
fameux « syndrome de Jérusalem » -l’identification au
Messie-, met en perspective la structure généalogique, le centre de la
Justice généalogique et géopolitique de l’énigme de la foi. La
tension entre l’histoire et la méta histoire repérée par H. Corbin
indique le paradoxe constitutif du monothéisme soit le double registre
de l’aliénation et de la séparation à l’instar du Grand Autre
lacanien, du « trésor de signifiant » dont le Nom de Dieu
est autant épure qu’épreuve. A ce titre, au titre d’une éthique
du mi-dire (Lacan), il ouvre une nécessaire interrogation de « fond » :
confronter la géologie de la Morale (Deleuze) avec la géopsychanalyse
(Derrida) en vue d’une Autre politique où l’amitié scellerait la
parole entre la transe du poème et la psalmodie prophétique.
La
tâche de philosophie politique de l’heure vise à déconstruire
l’axe anthropo-logique, progressif des trois monothéismes vers un
lieu, une logique, une topologique du nouage à la fois sacré et
politique, métahistorique et historique. Jérusalem est la
Capitale-Livre de la douleur et de la Joie de cette communauté sans
aucun nom politique des Gens du Livre (et in
fine de tous les livres à venir comme autant de signifiants
vivants, virtuels, incrées). Ce lieu constitue
non seulement un complexe théologique, philosophique,
psychanalytique mais aussi pour toute démocratie à venir un ensemble
vide, inappropriable; degré zérologique d’aucune volonté de
pouvoir. La prière n’est pas la pensée réflexive, mais
l’interface irréductible d’une impossible rencontre. Irréductible
unité qui fait exister le discours de la religion comme le discours
philosophique comme deux symptôme du désir de l’Autre nécessairement
« bons » dans la relation d’amitié de l’un à
l’autre. Maïmonide, Averroes, St Thomas d’Aquin sont, dans le fond,
les premiers passeurs d’Abraham unifiant à l’avance le champ, la
fonction, le dispositif de méditation, de prière du monothéisme et de
la spiritualité laïque. Cette dernière tradition politique qui fait césure
du théologique est le produit historique en Occident du christianisme
en lutte contre lui-même, et donc s’en retranche, autant qu’elle
s’en déduit. Une des grandes manœuvres symboliques du discours laïque
ne peut consister à neutraliser, aseptiser la politique par le
religieux mais à mettre à bonne distance le privé et le public, le théologique
et le politique selon le modèle sans exemple de la différence des Sexe
ou de la différence ontologique, l’un à l’autre irréductibles,
l’un à l’autre en différance (Derrida). Par le terme de Différance,
Levinas met en exergue le jeu de l’essence par l’italique du
« a » qui rend insaisissable l’Autre, épure de la Loi,
comme Visage comme éthique de l’infini au cœur de l’invisible. Même
l’intérêt supérieur de Paix et de Justice du Peuple juif en terre
sainte requiert que l’impossible du fantasme d’une capitale unaire israélienne
soit oubliée. Serait-ce cela la forclusion
du sens, Réel ou miroir de cette impossible épreuve de ce qu’un
Peuple entre dans le devenir fou d’être le témoin unaire d’un Dieu
jaloux? Face à Dieu comme Caché et Apparent, face à l’imprononçable
parenté linguistique entre Torah et Coran, EL et Allah, est évidente,
le sujet éthique et sujet politique est comme une « monade
d’inexistence ».
Aucun
peuple, aucune ethnie, aucun dogme religieux ne peut s’approprier le
Nom de Jérusalem, ni donc le lieu ainsi nommé sans quelque terrible
violence totémique, préhistorique, qu’interdirait l’invention
d’un Réel. Croire en « Dieu » souligne un oxymore parfait
de la civilisation; révélation d’un « incroyable absolu »,
d’un empire sans territoire, au sein des espaces laïques à venir?
Des
poètes, travailleurs créoles du Sensible, aux prophètes de la Révélation,
messagers métissés unifiés de la Transmission par un même Invisible
Objet, transcendant, absolu et vide (Dieu), nous repérons une seule méditation
d’un seul et même « insondable abîme » à méditer soit
une théorie ontologique et politique d’un Reste, de Ce qui reste
d’Auschwitz… Reste, Déchet…. Théorie du Reste, clef de la
version externe de la question de l’objet a chez Lacan et face obscure
du racisme et la plus régressive, vis-à-vis du progrès interne qu’a
représenté le passage du polythéisme au monothéisme: l’antisémitisme.
Si
le nom d’Israël, - signifiant étymologiquement « qui va vers
Dieu en boitant »- sans anticiper le mythe tragique d’Œdipe, le
met en abîme, alors l’énigme de l’Autre qui constitue le génie
propre du judaïsme doit devenir l’école interprétative, la forge
inventive d’un lien social exemplaire. Jérusalem,
plaque ultra sensible, millénaire des Mille plateaux de la
Transcendance de l’Un doit se partager selon la Loi ontologique du
multiple et le principe politique d’une Multitude. Partage de la
terre-mère aussi qui ne fasse pas exception à la reconnaissance de
l’Autre : au-delà d’un double enfermement, celui de
l’identitaire, celui du communautaire. La formule révolutionnaire
combative de la laïcité ouverte s’en déduit : comment « contenir »
les différentes appartenances, les reconnaître sans enfermer, ni
exclure aucune identité, aucune communauté. Comment enfin libérer le Logos,
sans exclure dans une hétérotopie mortelle ce qui de l’Etre a pour
versant l’Un (l’immense parole prophétique avec ces trois Messagers
pourvus d’un Livre : Moïse, Jésus, Muhamad) ou, de l’Etre qui
ouvre son versant vers l’Autre (la parole poétique laquelle anticipe,
traverse, accompagne jusqu’à l’Absence la plus imposante (Blanchot)
la communauté de l’intelligence, comme celle plus indicible encore de
la foi.
Vers
la page 6
- Deux
directions, deux orientations depuis la célèbre question : qu’appelle-t-on
penser?
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