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La croyance prise à la lettre 
Par Jean Louis Blaquier, enseignant en philosophie, Doctorant en psychanalyse. 

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Mémoire généalogique des croyances et de la « foi politique » en sa devise trinitaire : 
« liberté, égalité, fraternité ». Conclusion
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En conclusion de « La révolution des droits de l’homme » Marcel Gauchet[1] fait deux remarques capitales en ce qui concerne notre problématique celle d’une mémoire généalogique des croyances et de la « foi politique » en sa devise trinitaire : « liberté, égalité, fraternité ».
En référence au tranchant du socle symbolique des trois monothéismes, indique-t-il « l’énergie volcanique que recèle à l’état dormant leurs maximes faussement paisibles »?

Si la révolution mosaïque fut l’invention de la Liberté (fin de l’idolâtrie, des faux Dieux), la révolution paulinienne l’exigence de l’Egalité (déconstruction des hiérarhies sociojuridiques héréditaires), la Descente du Coran fut l’occasion de nouer par la Fraternité, le message universel de l’Alliance du singulier de la «foi » avec l’Universel de ce qui fonde la Loi, le principe éthique et juridique des Limites au-delà desquelles l’humain renoue dangereusement avec son commencement barbare d’animal soumis à l’impératif territorial dont l’Autre est exclu. Ainsi, l’aliénation religieuse est interne à l’ordre symbolique, donc non hétéronomique à la Loi, à l’anneau RSI, véritable le pylum machinique de la réalité mentale des humains.

Dans la « société des individus » que l’Occident, entre masse, puissance et multitudes, a su produire, n’a pas fini de réinventer, de nous « réapprendre l’histoire ». Mais notre tâche critique, citoyenne doit désormais nous « renvoyer à la prodigieuse et terrible expérience initiale où il a fallu un instant regarder en face l’abîme créateur que cachent les simples mots de liberté et d’égalité ».

Ainsi, se déprendre de soi, marquer l’écart de soi à soi, du sujet à l’Autre ne dépend alors que du sillage d’une éthique de l’Etre, d’une éthique de l’Autre qui, de la puissance du Peuple absent comme multitudes à venir n’aurait fait aucun deuil. L’échec catastrophique de la dernière grande illusion prophétique en philosophie, la construction d’une société socialiste, pacifique et Juste n’a-t-elle pas heurté le dur récif « imaginaire » du mythe, l’aspiration au sacré, à la piété? N’est ce pas en voulant éliminer jusqu’à la trace, la lettre même du « croire » que la « honte d’être un homme » s’est à nouveau révéler devenir le cauchemar de l’athéisme intégral. Dans le registre aujourd’hui qui scande deux époques, celle de l’Autre qui existe (encore!) celle de l’Autre qui n’existe pas (encore aussi!), nous avons encore à méditer trois « blessures » dont la version athée du judaïsme par le Nom de Freud nous fait rappel sous la forme de trois décentrements du sujet, non seulement vis à vis du site ontologique qu’il habite mais aussi du « monde », mais aussi de l’animalité dont son destin a fait oubli par la seule vertu déterritorialisée de la lettre.  Jérusalem sera-t-elle la plus grande ville au monde de la déterritorialisation de la Lettre, du Livre, entre poésie et prophétie ? « Théo » est bien la première lettre de théorie en philosophie.
-          la découverte de Galilée;
-          la découverte de Darwin;
-          la découverte de l’inconscient.  

La sortie de la préhistoire, la croyance en la naturalité de l’homme, incroyable alliance mise en doute par l’Evangile central aux trois révolutions monothéistes, définit, en fait, au-delà des eaux montantes du dégoût inhérent à la civilisation (Lacan) , ce qui, de la croyance doit se déprendre de la rigueur de la lettre et selon la rigueur de la lettre, celle de l’Etre. Ethique de l’Etre qui passe vers l’Autre, pas sans l’Autre, car la dite prise, ne peut se faire qu’entendue à la lettre.

Notes sur un mot d’ordre de la « révolution laïque » :  « pas de loi contre foulard » :

Nietzsche nous enseigne que la religion n’est rien d’autre que la métaphore de l’esthétique, de l’esthétique de la Loi au sens juridique précise Freud. Ne serait-il pas souhaitable faire un éloge esthétique du foulard comme anaphore, lettre de la trace de l'Autre à travers par exemple l’argument d’un Wittgenstein antireligieux (mais au sens de l’écriture lacanienne d’ « antiphilosophie » !   Ce qui  ne peut se dire, peut se montrer, et ce qui ne peut ni se dire,  ni se montrer, il est possible de le taire! Le néo-catéchisme laïque pourra-t-il intégrer au fronton de l’Ecole du Peuple,  l’obligation du respect, la vertu pédagogique du silence devant les manifestations de piété véritable qui, au gré des évidences métaphysiques, font signes d’elles-mêmes, s’impose d’elles-mêmes, par-delà le Bien et le Mal de leur Irréductible, de leur « différend » ? La nouvelle alliance laïque peut et doit reconnaître Athènes et Jérusalem comme deux signifiants complémentaires en différance de l’invention de la liberté en raison même qu’entre les trois monothéismes, il y a un nécessaire irréductible du point de vue dogmatique. (CF. Dans la théorie lacanienne des nœuds R.S.I. qui définit le symptôme, chaque anneau compte pour « un » dans l’alliance borroméenne.[2])

Une laïcité qui saurait déchiffrer, interroger et donc en effet, "lire entre les lignes" (intelligere),  la lettre d'un Texte, d'une loi, d'une norme peut-elle oublier, refouler la scène généalogique, référence verticale et césurée à la verticalité de la Référence elle-même ? La trilogie républicaine, « Liberté, Egalité, Fraternité », n’expose-t-elle pas le socle, l’Alliance abrahamique de ces valeurs à la nécessité d’une sécularisation ? La vertu de son principe révolutionnaire n’est rien d’autre qu’une visée : savoir mettre à sa place, juste à sa place, la « liberté de conscience », notamment, garantir la liberté du doute, de recherche sur le plan religieux et spirituel.

Les dégâts du positivisme laïque ne sont rien d’autre que l’oubli de la question de l’Etre comme Verbalité philosophique (Levinas) ou comme substantif théologique (philosophie chrétienne). L’oubli de la Maison de l’Etre –  même placée sous le signe de l’Exode dont l’Etre juif signe sa paradoxale nue et souveraine signifiance - n’est rien d’autre que l’ouverture au nihilisme le plus aveugle ou brutal en sa destination : politique dont les moyens sont désormais sans aucune fin.

Note sur la clinique des trois monothéismes.

Daniel Sibony a eu l’idée forte d’une clinique des trois monothéismes. Dans cette perspective, son travail est respectable. Une réserve majeure : la fonction de « sur-détermination » (Althusser/Legendre/Agamben) de la « révolution monothéiste » isolée par Freud, dans Moïse, est méconnue dans l’économie symbolique, imaginaire  et bien réelle du conflit Moyen-Orient. Notamment en ce qui concerne le changement de « position » de la question juive, depuis deux événements majeurs : la création d’un Etat national israëlien légitimé par l’ONU en 1947,  l’ « après-coup » de la Shoah en Europe et dans tous les discours (philosophie, psychanalyse, politique, juridique, journalistique…). Le crime nazi contre le Peuple premier du Livre issu du conflit entre judaïsme et christianisme en Europe sur deux millénaires (cf : thèse de Pierre Legendre).

Mais la mauvaise foi sophistique (p. 22 À 30), le surf théorique sur des catégories telles que le Tiers, la Référence, l’entre-deux (en fait il s’agit d’un Entre-trois!)… voire les connexions du champ psychanalytique au champ anthropologique ou philosophique est superficiel voire opportuniste redonne une grande nécessité aux analyses de J. Derrida et René Major sur la Déconstruction, voire la spectroanalyse (in Spectres de Marx, Galilée, 1995.)  Paralogismes ou sophismes brisent les analyses les plus pénétrantes, lesquelles sans conséquences, flottent sur un mode tel, que le rapport de force réel est dans le fond sanctifié. Il illustre à mon sens le style parfait de  « Ponce Pilate » qui, à l’avance voit dans le Peuple Palestinien, le sacrifié obligé,  et leurs avocats, de vains et preux chevaliers d’une cause toujours déjà perdue. Bref, il enferme toute résistance théorique organisée dans  le syndrome de Jeanne d’Arc comme une opinion cultivée mais paresseuse et conformiste parfois le pense, quelques fois le dit. Deux exemples (extraits Proche-Orient : psychanalyse d’un conflits) illustrent la duplicité des analyses proposées : « L’Europe, théâtre de ce passé, est en partie responsable de la dureté d’Israël pour ses ennemis. Mais ceux-ci, par le terrorisme, lui facilite la tâche; il ne peut être qu’intraitable. (Pour combattre <<en douceur>> les hommes-bombes, il faut une perversion à laquelle les Israéliens, droits et raides, n’ont pas accès ». En fait, n’importe quel groupe humain humilié sur plus de vingt siècles devient humiliant. En ce sens, les Palestiniens paient pour l’Europe, et pas comme ils le pensent pour la Shoah ». p. 219
« Il est rare que l’histoire offre à l’Occident un conflit bipolaire qui touche de près ses origines, avec pour seul repère l’image ». p. 221.  

En bref, D. S. illustre parfaitement, avec un  certain courage et un réel brio, un poncif freudien :
l’écriture, c’est le meurtre mais par d’autres voies, celle du symbolique.  

Jean Louis Blaquier, enseignant en philosophie, Doctorant en psychanalyse. Jealier@wanadoo.fr 

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