La
troisième révolution monothéiste
Si
le christianisme réalise une théorie géniale du nouage entre le Verbe
et le Corps, entre l’Esprit et le Matière, entre l’ordre symbolique
et l’ordre du Réel, l’Islam déterritorialise à
Jérusalem
(Genèse 22)
les deux monothéismes, juif, celui de la Loi, de la Parole (la statue
de la à New York, icône mentale juive fondatrice?),
latin, celui du Père et du Fils (la Déclaration Universelle de
l’Egalité, autre icône mentale de la Res Publica, de la révolution
laïque française?)
La troisième révolution monothéiste devient le rhizome et le pic de
la Transcendance par la mise en perspective symbolique de l’archive la
plus fondamentale de ce qui reste du meurtre du Père, du sacrifice
abrahamique lequel est double (Isaac et Ismaël) soit
le « lien social » métaphore d’un double universel
croisé, théologique et laïque, la Fraternité.
Est-ce
encore une fois la mémoire hyper sublimée du meurtre primitif qui fait
des frères assassins du Père
réel, les frères fondateurs de toute communauté spirituelle et
politique, sociale à venir. A la fin de sa vie, Michel Foucault pensa
que révolution iranienne était un exemple d’un « prendre la
politique à revers ». Comme si la question du Pouvoir, de la
Justice, de l’Etat, du laïque comme tel, n’était autre que la
cicatrice du totem, le nom innommable de l’objet tabou que draine et
subverti le discours de la religion dé/centré autour de la célébration
de l’Un.
Hume
conseillait d’interroger les hommes de foi non du point de vue de leur
raison mais seulement à partir de l’objet qui définissait leur
croyance. Il est remarquable que c’est bien entre Occident et Orient,
vers l’immanence paradoxalement la plus laïque du religieux, que se
rassemblent, selon la devise ultime du principe de la République, et de
la Démocratie, le dernier trait d’identification symbolique du troisième
monothéisme qui, de la Mecque à Jérusalem et, au-delà de tout
philosémitisme,
proclame sur le mode universel du Logos : « nous sommes tous
frères »!
A
cet égard, il est caractéristique que ce motif philosophique central
nommé par Averroès, « éthique de la connaissance », sera
refoulé par ceux là même qui vont enfermer le troisième monothéisme
dans le piège classique de la fureur légaliste : la loi contre la
foi. Les dramatiques avatars de l’enlassement du sujet avec l’Autre,
l’oubli politique et esthétique de ce que Nietzsche nomme les
« explosifs internes » (Apollon/Dionsyos ou Eros/Thanatos)
fabriquent la terreur aussi bien à l’échelle des rebelles qu’à
celle des censeurs fous de l’amour. Les dérives tragiques du
christianisme en Occident outre la haine antisémite initiale ouvre aux
ravages de l’Autre légaliste dont le caractère universel doit nous
faire réfléchir à la façon dont la question du sacré et du
sacrifice peuvent aisément dériver vers des sacrifices absurdes. Déjà
Samson, premières « bombes inhumaines » contre les
philistins, circonscrit l’appellation romaine de « Palestiniens ».
L’Inquisition, les Croisades, les bûchers, puis les ghettos juifs,
les fours crématoires géants, l’archipel du Goulag, Hiroshima, véritable
contre potlatch de l’ère de l’atomisation physique et sociale, les
massacres génocidaires (Khmers rouges, Rwanda, Tibet….) autant
d’exemple que le réel de l’histoire rencontre le délire. Les faits
biopolitiques de la haine de l’Autre ne cessent d’interroger le fait
suivant : l’amour primitif, sauvage de la censure reste mêlé à
l’amour littéral de la lettre, littoral échoué de la trace de
l’Autre qui, d’être mangé, fabrique la violence nécessaire, éradique
l’exception du singulier, brûle la liberté, écrase le rythme, le désir
comme processualité inventive. A contrario, G. Haddad dans sa
remarquable étude -« Manger le livre »- repère les
ressorts symboligène de ce cannibalisme initial au nom duquel toute
croyance, à l’instar des perceptions vitales, affrontent l’objet
d’amour (le totem) en même temps que l’interdit (tabou) selon la
modalité d’une essentielle absence celle de l’objet a, cause
toujours rebelle d’un désir in assignable. Dans cette perspective
contemporaine, le dit « retour du religieux » nous rappelle
un impossible freudien : que la philosophie devienne populaire
faute d’être la grande affaire des multitudes.
Vers la
page 11 L’affaire
du foulard ...
la célébration de l’Un, de Dieu contre toute figure du Tiers...
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