A
l'occasion de la lecture de l'acte 2 ...
L'acte 2 nous en apprend de belles, au point que l'oeuvre apparaît, dans
une lumière crue pour le lecteur du moins, comme un cri contre la famille
animale, ce nid douillet et glauque pour le grouillement d'une vermine
parasitaire à la générosité restreinte et prompte au mensonge, à la
dissimulation...
Le lecteur, averti par un narrateur omniscient, découvre ce que Gregor
refuse de voir sous l'éclairage de la vérité. Le père, lors de son
désastre financier, a dissimulé un capital qui, sagement placé, a
porté des intérêt, pendant que Gregor se dévouait et se vouait à une
double tâche: faire vivre sa famille et épargner de quoi rembourser la
dette de son père... Tout cela a été caché à Gregor pour ne pas
atténuer son ardeur à remplir un devoir d'assistance qui semblait aller
de soi. Cela a permis non seulement de faire vivre la famille sur son dos,
mais encore, grâce au surplus abandonné, de constituer un second capital
! La servitude de Gregor est tellement volontaire,tant il a besoin de
"vivre ensemble", qu'il se réjouit de tout cela...
Or ce devoir d'assistance qui semble ne pas avoir posé de problème à
Gregor comme s'il donnait un sens à sa vie, voilà qu'il pèse désormais
à cette famille. Elle lui doit pourtant beaucoup. Mais comme elle ne voit
pas l'intérêt de s'occuper de "ça", elle va traîner de plus
en plus les pieds et finir par souhaiter sa disparition. Il est vrai que
le devoir d'assistance, dans le cadre de la générosité restreinte,
porte sur le semblable et qu'il est aisé de s'en débarrasser en niant
l'humanité de Gregor qui a perdu son corps vivant humain. C'est d'autant
plus facile, que, ne le comprenant plus, le trio familial suppose qu'il ne
les comprend plus, qu'il a perdu sa subjectivité humaine: pourquoi se gêner
alors?
Nous voyons la soeur (n'oublions pas que Kafka atteint dans cette
oeuvre à l'universalité) s'interposer de plus en plus entre la mère et
Gregor: ce comportement ne surprendra personne, il s'agit de rendre
inaccessible celle qui est le plus susceptible de comprendre Gregor et de
le respecter. C'est la meilleure manière d'avoir ses parents tout à
elle. Une vermine, cette soeur,oui, un parasite obstiné et rusé, qui se
cherche maladroitement comme une chrysalide.
Quant au père la comparaison entre son comportement avant la
métamorphose de Gregor et après, est éloquente pour le lecteur que le
narrateur informe si bien.
- Avant: fatigué, enfoui dans son lit, très tôt en robe de chambre, tâtant
le sol d'une béquille ...
- A présent: un guerrier à la botte menaçante, à la poitrine
puissante, en uniforme, qui bombarde son fils, d'une sévérité extrême.
L'horreur, quoi!
Quant
à la mère, la belle âme, les meilleures intentions se brisent sur
la volonté de sa fille et dans le meilleur des cas, elle fuit dans un
évanouissement complice.
Kafka nous tendrait-il des lunettes pour voir la réalité? L'homme ne
serait-il qu'un animal, naïf ou rusé, parasite , maître du mimétisme?
L'homme est un animal qui porte une exigence: le "vivre ensemble",
qui est la source de son aliénation à autrui qui lui fera payer très
cher une impossible reconnaissance: il se nourrit du sang et da la
liberté de son entourage, sans se rendre compte que des parasites ne
pourront jamais donner une reconnaissance. L'entourage, paresseux par
nature se laisse faire volontiers. Comme le lierre, il enlace et s'enlace
et ce qu'il embrasse dépérit. L'amour et le devoir ne sont que des ruses
qui masquent mal un manque total de générosité. A l'horizon de cette
caricature de l'amour et du devoir, il y a le reniement, la violence du
père, la cupidité de la soeur et la disparition de la mère.
Seul,
Gregor toujours prêt à assumer, à voir sa famille sous le
meilleur jour possible, se laissera mourir pour débarrasser un entourage
dont il a besoin pour vivre et qui le rejette. Serait-ce que, en ne
quittant pas sa famille, Gregor aurait renoncé à l'humanité?
Tout cela
est absurde et le lecteur a déjà compris que c'est à mourir de rire.
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