Celle-ci
tire son inspiration d'une vision de l'homme qui témoigne
d'une telle exigence qu'on peut considérer que l'état de la
société en restera toujours bien éloigné. Les valeurs de
liberté et de fraternité ne s'y opposent pas, mais s'y
conjuguent. N'est-ce pas par la fraternité que l'homme marche
vers sa libération? Quant à l'égalité, elle s'intègre
dans la notion plus riche de la dignité reconnue à toute
personne.
En outre, cette idéologie voit dans l'Etat un acteur qui
prolonge l'action des personnes dans leur effort pour faire
progresser l'humanisation de la société. Dès lors, les
personnalistes seront eux aussi enclins à utiliser des moyens
politiques pour hâter cette progression.
Pour ces deux raisons, le personnalisme apparaît foncièrement
étranger aux options de la droite. Mais cette idéologie ne
s'inscrit pas pour autant dans l'approche constructiviste
pratiquée par la gauche historique, celle des partisans du
socialisme d'Etat. Le personnalisme affirme une confiance dans
la capacité de dépassement des personnes qui passe par la
" révolution intérieure " . Dès lors, l'idéologie
personnaliste ne peut se contenter de la seule voie politique,
au sens strict du terme, pour réformer la société. Elle ne
peut lui réserver un monopole d'intervention. Elle croit aux
vertus du pluralisme qui repose sur les institutions intermédiaires
(les associations). Le principe de subsidiarité trouve du
reste ici une application exemplaire. Il faut donner une
possibilité d'expression à toutes les formes d'organisation
spontanées qui font progresser la solidarité.
Qualifier de centriste l'idéologie personnaliste conduit à
des ambiguïtés et même à des impasses. L'option centriste
peut refléter deux attitudes, dont le trait commun consiste
dans le caractère " hétéroréférentiel "
qu'elles entendent conférer à l'idéologie personnaliste,
mise ainsi en situation de dépendance par rapport à d'autres
courants de pensée. En réalité, l'idéologie personnaliste
ne se retrouve pas vraiment dans le clivage de la gauche et de
la droite classiques. Elle ne leur dénie pas une réalité
mais elle en remet le sens en question en soulignant leur
contingence et leur relativité. En effet, ce partage dualiste
du champ idéologique a pris valeur significative au moment où
les modèles minimaliste et constructiviste de l'organisation
collective commençaient à manifester leur opposition, soit
au XIXe siècle.
Or,
au-delà de leur antinomie, ces modèles partagent un même héritage,
à savoir une certaine conception du sujet héritée de la
Renaissance et des Lumières. Le paradigme individualiste qui
leur est commun préside à leur affrontement. Pour les uns,
qui inclinent au " minimalisme étatique ", la vertu
du " laisser faire " autorise l'absolution du vice
individualiste ainsi que l'a exprimé MANDEVILLE par sa
formule " vices privés, vertus publiques". Pour les
autres, la société, l'histoire, humanité, bref tous les
" universaux " qui forment le grand Tout, exigent d'être
délivrés des impuretés liées à l'individualisme de
l'homme " naturel ". Le constructivisme étatique se
projette peut-être vers l'avenir d'une humanité réconciliée
avec elle-même, mais il se conçoit et surtout se pratique
" malgré l'homme ".
Pour sa part, le personnalisme se situe au-delà d'un clivage
entre les idéologies classiques de la modernité qui masque
leur parenté profonde autour du paradigme individualiste.
Venant de plus loin que ces idéologies, il vaut mieux que la
" synthèse " centriste. A la vérité, il forme à
lui seul un pôle idéologique alternatif. Ses références ne
s'inscrivent pas sur l'horizontalité de l'abscisse
gauche-droite, mais dans une dimension de verticalité, sur
l'ordonnée d'un autre regard jeté sur l'homme. Et d'un autre
combat ?
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