Lorsqu'elle
est concentrée exclusivement en un point de l'édifice
social, lorsqu'elle devient un monopole, lorsque le " don
qui donne à donner " n'est pas pratiqué (reçu) à la
base, la solidarité s'étiole et le tissu social se délite.
Le déficit de solidarité n'est donc pas propre au modèle de
" l'État minimaliste ". Il apparaît aussi
fortement dans celui de " l'État constructiviste ".
Chaque
fois que la solidarité est confisquée par l'État, elle s'étouffe.
On l'a constaté dans les pays de l'Europe centrale et
orientale qui ont connu des régimes autoritaires de type
" constructiviste ". Le principe de subsidiarité
protège donc l'État conçu comme prolongement des personnes
des tendances centralisatrices propres aux grandes
organisations. Il le prévient de tout finalisme
auto-justificateur. En parfaite cohérence avec le paradigme
personnaliste, le principe de subsidiarité met constamment l'État
sur la sellette afin de le prémunir des logiques de dépersonnalisation
propices aux dérives bureaucratiques.
Le
principe de subsidiarité ainsi restauré dans sa vraie
signification ne s'inscrit ni dans la logique de " l'État
minimaliste " ni dans celle de " l'État
constructiviste ". Dans le premier modèle, la solidarité
tend à être marginalisée. Le subsidiaire s'y confond avec
le résiduaire car la priorité est accordée à l'échange
marchand.
La
justice commutative, focalisée sur le donnant-donnant, est de
règle. Le don apparaît sans logique et forme l'exception.
Quant aux sociétés organisées selon le modèle étatique
" constructiviste ", elles inscrivent certes la
solidarité dans leurs constitutions et leurs décrets, mais
elles l'organisent de manière si froide et fonctionnelle
qu'elles l'asphyxient. Finalement, ces deux modèles n'ont
engendré que des sociétés tristes.
Le double principe qui consiste à " replacer l'État au
centre de la société et à replacer la personne au centre de
l'État " ne se conçoit qu'à la lumière d'un principe
de subsidiarité réajusté selon la philosophie de la "
relationalité ". Cette philosophie conforte aussi la légitimité
du secteur associatif.
Les
associations contribuent de concert avec l'Etat à
l'humanisation de la société. Mieux, elle constituent les
maillons indispensables d'une grande chaîne de la solidarité.
" L'État personnaliste" devrait du reste pouvoir être
lui-même reconnu comme un de ces maillons, revêtant la forme
d'une " association à but de libération " dont les
finalités seraient finalement proches de celles d'une
a.s.b.l., mais qui en différerait par la taille et les
pouvoirs.
Symétriquement,
les associations devraient être reconnues comme des acteurs
politiques dans la mesure où elles s'inscrivent dans une démarche
de citoyenneté. Cette convergence sur le plan des
finalités devrait conduire les acteurs de l'univers
non-marchand à dépasser les clivages entre le " public
" et le " privé". Le temps est venu de nouer
des relations obéissant à un esprit de partenariat plutôt
qu'à la logique stérile de la concurrence et de
l'affrontement.
Vers la
Page 8 L’ordonnée
d’un autre regard jeté sur l’homme
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