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PHILOSOPHIE

Le personnalisme. Par Vincent Triest


L'adversaire n'est pas le marché mais l'individualisme marchand 

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Le marché n'est pas l'ennemi : ce n'est qu'une procédure qui organise les échanges. L'expérience a montré que les régimes dits " d'économie administrée " étaient moins efficaces sur ce plan. Le véritable adversaire n'est pas le marché, mais l'individualisme marchand. Face au paradigme individualiste, le personnalisme affirme que l'économie du marché libre ne peut se vouloir authentiquement " politique " que si l'éthique, qui est une dimension essentielle de l'art de gouverner, est intégrée au cœur de ses mécanismes. On le voit du reste avec les crises qui ont frappé le secteur agricole (celles de la " vache folle " et, plus récemment en Belgique, de la dioxine). Avant d'évoquer les dysfonctionnements imputables aux pouvoirs publics (les carences du contrôle), ne faudrait-il pas considérer les errements commis par certains acteurs du marché, en proie à la quête effrénée du gain à tout prix ?

Le paradigme individualiste et son idéologie sont ici en cause. Dans ce monde-là, l'homme est perçu comme un être d'intérêts, qui choisit toujours ce qu'il préfère et qui préfère toujours ce qui lui est utile. Telle est la logique de l'homo oeconomicus, celle d'un homo " egonomicus ". Pour le personnalisme, il faut sortir de la mythologie de la société conçue comme une fourmilière tout entière consacrée à ses productions et ses consommations, sans réflexion sur ses finalités éthiques. Il n'y a pas que des déficits budgétaires à réduire. L'absence de réflexion et de débat sur les choix de consommation et de production, tant individuels que collectifs, constitue un véritable problème idéologique. On peut y voir la cause d'autres dysfonctionnements majeurs, en particulier ceux qui frappent le marché du travail (le chômage) et le travail tout court, comme réalité humaine trop souvent aliénée (" gagner sa vie en la perdant ") .
La conception personnaliste de l'Etat

La première modernité nous a légué deux grandes conceptions de l'Etat : celle de " l'Etat minimaliste " (modèle libéral) et celle de " l'Etat constructiviste " (modèle du socialisme d'Etat). Ces modèles ont en commun l'idée d'un Etat qui se situe en face de la société, comme un corps étranger. Un principe de séparation s'applique à lui. L'Etat forme comme une île artificielle, placée au-dessus de la masse indistincte des hommes.

Le cousinage qu'entretiennent ces deux modèles remonte à leur soubassement anthropologique commun, à savoir le paradigme individualiste, cet héritage de la première modernité.

Le modèle de l'Etat minimaliste repose complètement sur ce paradigme qui témoigne d'une compréhension de l'homme aussi pessimiste que tronquée. Mais cette vision négative est puissamment compensée par un optimisme sociétal dont l'assise réside dans la foi indéfectible dans les vertus du marché. La guerre économique de tous contre tous se déroule dans l'exaltation compétitive, grâce aussi à l'Etat-gendarme dont la fonction est de combattre les penchants excessivement violents des individus.

En revanche, le modèle constructiviste, qui est apparu plus tardivement, témoigne d'une méfiance envers le marché. C'est qu'entre-temps, on a constaté que la guerre n'était pas si joyeuse, au vu des dégâts sociaux engendrés. Mais on ne considère pas l'homme comme meilleur pour autant, que du contraire. Le socle anthropologique que constitue le paradigme individualiste n'est nullement renversé. Il serait plutôt confirmé. Cette confirmation exprime toutefois une sorte de conscience malheureuse . C'est pourquoi l'action de l'Etat doit consister à lutter contre l'homme. Il s'agira de le corriger autoritairement afin de le rendre digne du destin qui attend l'Humanité. Selon cette conception, l'être humain ordinaire mériterait donc amplement le régime de minorité renforcée auquel le soumet l'Etat constructiviste.

S'inspirant d'une conception du sujet humain radicalement différente, c'est dans une tout autre perspective que s'inscrit la conception personnaliste de l'Etat. Certes, jusqu'à présent, l'originalité de cette approche n'est pas apparue avec une clarté suffisante. C'est que l'option personnaliste s'est d'abord affirmée dans des combats défensifs, dans la mesure où elle ne pouvait guère se retrouver dans les modèles de l'Etat fondés sur une conception de l'homme qui lui demeurait étrangère.

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(Textes rédigé à partir d'un article publié dans les Cahiers pour demain n°52 - Bruxelles, décembre 1999, avec l'aimable autorisation de la rédaction.)

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