Comme
Chateaubriand, Corneille se trouve au confluent d'une
tradition aristocratique et d'une réflexion moderne.
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Sa difficulté principale c'est d'équilibrer et d'accorder
le vrai et le goût du public (bienséances): ce qui exige
de sacrifier peu ou prou le vrai à ce qu'on croit être
vrai. Cet être moral qu'il peint doit certes avoir sa cohérence
propre mais aussi une cohérence avec le goût du public.
Pour
cela Corneille pense l'histoire, cherche le général sous
le particulier; sous le réel qui est unique, il s'agit de
trouver le vrai qui est universel et qui, par cette
universalité, s'accordera au bon goût d'un public qui s'y
reconnaîtra.
Au delà de l'histoire des événements singuliers, il faut
édifier une représentation rationnelle qui aurait une portée
universelle. |
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Corneille pense l'histoire à partir d'une alternative,
d'une dualité dont la tension, celle d'un être raisonnable
sensiblement affecté, assure la vérité universelle de la
représentation rationnelle élaborée, chaque spectateur
pouvant alors se réjouir d'y trouver la peinture du
meilleur de lui même. C'est ainsi qu'à l'exaltation du moi
nous trouvons sans cesse associée l'abnégation du moi.
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Ce qui signifie que pour un tel héros, la gloire tient
moins à la réputation qu'au prestige de toute action
vertueuse: prestige auquel la réputation n'ajoute rien car
il y a une différence d'essence entre la gloire et la réputation.
La gloire est alors inscrite dans un acte vertueux de désintéressement
comme ce qui le couronne: une victoire sur la sensibilité
d'une nature.
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Par cette dualité le héros atteint une vérité
universelle, sa force étant toujours à conquérir sur la
fragilité d'une nature: ainsi, la vérité propre à
toucher le public tient à ce que le moi s'exalte par un
renoncement à soi, ce qui fait de lui un héros toujours
digne d'être aimé du public, si on n'aime jamais qu'une
image de soi.
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