"Ce
n'est entre les deux France qu'une transformation de
vertu" Chateaubriand, Mémoires
d'outre-tombe, Livre neuvième, chapitre X,
dernière ligne. |
Qui
aurait trouvé le point d'insertion de la continuité et de la
discontinuité, pourrait penser l'histoire.
Chateaubriand, pour ce faire, utilise la palingénésie: ce
terme parle Grec, genesis désignant "la
naissance" et palin signifiant "de
nouveau". Chateaubriand
emprunte ce modèle à Ballanche (voir la note en bas de
page). Le terme désigne le passage d'un être de sa forme à
une autre forme, sa Renaissance. C'est le nouvel essor d'une
chose, sa métamorphose, comme source d'évolution et de
perfectionnement (là où il y avait une chenille qui se traînait
jaillit un papillon qui vole...). Ce qui décontenance
Chateaubriand dans ses premiers essais pour penser l'histoire,
et singulièrement la Révolution puisqu'en a vécu trois,
c'est qu'il expérimente l'impossibilité d'écrire une
histoire parallèle des révolutions.
La révolution en effet
se présente, chaque fois comme un fait unique qui se
transforme, grossit, sort de ses berges au point de se
métamorphoser. Alors l'histoire parallèle devient impossible
car on ne peut mettre en parallèle des événements uniques.
La palingénésie conçue par Ballanche lui permet de proposer
une solution au problème de la discontinuité et de la
continuité. |
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Ceci qui lui permet de penser l'histoire. Il y
aurait un rythme des révolutions qui, en structurant
l'histoire de tous les peuples conduirait à une fin posée et
voulue par la Providence, la fin de l'humanité. Dans
la mesure où palingénésie désigne le passage d'un être ou
d'une société d'une forme (Ancien régime) à une autre
forme (par exemple un régime populaire), le progrès concilie
la discontinuité (rupture) et la continuité (racines). Il
s'agit d'une Renaissance: palingénésie, renaissance,
métamorphose sont donc des termes à comprendre, à prendre
ensemble. =>
On
peut relire le début du chapitre III (Livre IX page 554-555).
Parce que la pensée de l'histoire ne peut s'exercer sans la
solution du problème de l'insertion de la discontinuité dans
la continuité, Chateaubriand emprunte donc à Ballanche son
concept de palingénésie.
"France
du dix-neuvième siècle, apprenez à estimer cette
vieille France qui vous valait. Vous deviendrez vieille
à votre tour et l'on vous accusera, comme on nous
accusait, de tenir à des idées surannées. Ce sont vos
pères que vous avez vaincus; ne les reniez pas, vous
êtes sortie de leur sang. S'ils n'eussent été
généreusement fidèles aux antiques mœurs, vous
n'auriez pas puisé dans cette fidélité native
l'énergie qui a fait votre gloire.. |
Le
temps est un grand maître, la métamorphose est universelle
et nous procédons par crise, dans la vie du moi comme dans
celle des mœurs. C'est la condition du progrès que le grain
meure: le devenir historique peut donc être pensé comme une
suite de Renaissances, chaque période se nourrissant de la
vertu précédente pour aller plus loin et plus haut dans les degrés
d'une évolution, d'un progrès: il suffit de lui emprunter le
meilleur d'elle même. Note
sur Bonnet et Ballanche.
Bonnet: 1720-1793. Ce chercheur a pratiqué de fines
observations, en particulier sur des chenilles. Il est le
premier à employer le terme évolution pour qualifier
des processus biologiques.
Ballanche: 1776-1846. C'est un théosophe. Il croit que
l'approfondissement de la vie intérieure permet la
connaissance de Dieu et qu'une action sur l'univers peut être
exercée par des moyens surnaturels.
Il transpose sur le plan de l'espèce humaine toute entière
l'idée de palingénésie qu'il emprunte à Bonnet.
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