- La mémoire
explicite comporte deux sous unités :
=> la mémoire épisodique qui est la mémoire des événements
qui sont datés spatio-temporellement (avec deux systèmes de mémoire
épisodique, mémoire à long terme et mémoire à court terme)
=> la mémoire sémantique qui fait référence à un ensemble de
connaissances partagées par les êtres humains ou par une communauté
culturelle sur les objets, les concepts, acquises pendant notre développement(langage).
On ne se souvient pas de quand cela a été appris.
Les situations de mémoire explicite exigent du sujet qu'il se réfère
CONSCIEMMENT à un épisode antérieur d'apprentissage (rappel
libre, rappel indicé, reconnaissance)
- la mémoire implicite avec aussi deux sous unités :
=> la mémoire procédurale(apprentissage inconscient)
=> mémoire d'amorçage (capacité de récupérer de manière
inconsciente des informations)
Dans les situations de mémoire implicite, on mesure des
modifications de performance à la suite d'une expérience nouvelle,
sans que le souvenir en soit requis (conditionnement, apprentissages
de procédures, amorçage)
Cf. le
message sur le forum (lien ouverture nouvelle fenêtre |
Voici quelques remarques à partir de la structure ci dessus donnée: elle
a le mérite d'être exhaustive (à un moment du temps) et de chercher à
présenter une idée de la mémoire avec, au moins, des articulations
horizontales: deux unités ayant chacune deux sous unités, une sous
unité ayant elle même deux sous unités. Le tout aurait pour origine
l'observation de pathologies différentes qui auraient permis ces
distinctions: une sorte de décalque de la réalité obtenu par
l'expérience.
=> Cette
procédure "empirique" ne peut amener que des juxtapositions et
en aucun cas un ordre, une organisation réelle de ces diverses mémoires.
La structure relève donc davantage de l'image symétrique que de l'Idée
comme forme intellectuelle d'un objet.
Première
remarque: l'absence
d'organisation des mémoires entre elles nous fait éprouver un manque qui
nous invite à distinguer les mémoires et à nous demander en quoi elles
sont des mémoires. Ont-elles toutes la caractéristique essentielle de la
mémoire humaine en tant qu'elle est proprement humaine.
Avec beaucoup d'à propos
(ce qui montre que vous appréhendez le problème), vous utilisez un
souvenir de votre passé, vous le situez en terminales. Bergson affirme en
effet que "Le souvenir devra être tout autre chose dans une
conscience humaine que dans une conscience de chien." La suite du
texte oppose en effet le souvenir "captif" dans la
perception et l'évocation libre du souvenir ("à son
gré"). Comment ne pas les distinguer!
Deuxième
remarque: Nous sommes
orientés vers une distinction entre ce qui est simplement vécu et ce qui
est reconnu par un acte de la conscience: le souvenir simplement vécu et
le souvenir évoqué pour lui même.
Troisième
remarque: Ne devrait-on
pas réserver le terme "la mémoire" à la capacité d'une
conscience de se souvenir c'est à dire de viser des événements passés
en leur donnant ce caractère qu'ils appartiennent au passé.
Il faudrait donc distinguer cette mémoire qui vise le passé comme
passé, d'un simple enregistrement par traces qui peut certes reproduire
un événement passé mais sans avoir conscience de soi comme
enregistrement et sans affecter la représentation reproduite dans le
présent du caractère paradoxal qu'elle correspond à un passé et qu'en
un sens elle a d'abord appartenu au passé. Le mystère de la mémoire
n'est pas dans un enregistrement que les "mémoires" peuvent
effectuer mais dans la reconnaissance qu'une production présente est en
fait reproduction d'un événement appartenant au passé.
Cet
"indice" est bien une caractéristique essentielle qui distingue
radicalement la mémoire et les mémoires qui se bornent à conserver et
à restituer des données que la technique introduit mécaniquement sur
leur surface, celle d'un disque par exemple. Seule la mémoire humaine
qui est conscience peut se représenter le passé comme passé et avoir
conscience de se le représenter comme passé. Ni un dictionnaire, ni
un disque n'ont conscience de reproduire ce qui n'est plus.
Dans Phénoménologie de la perception, page 207, Merleau Ponty écrit
avec beaucoup de pertinence:
"La psychologie s'est engagée dans des difficultés sans fin,
lorsqu'elle a voulu fonder la mémoire sur la possession de certains
contenus ou souvenirs, traces présentes du passé aboli, car à partir de
ces traces on ne peut jamais comprendre la reconnaissance du passé comme
passé."
=> Autant dire
que l'on ne peut comprendre la mémoire que comme une possession directe
du passé: comment en effet sortir d'une trace présente (un contenu
interposé) autre chose qu'une simple actualité évanescente d'ailleurs.
Nous voilà devant
une difficulté qui tient plus au mystère qu'à un simple problème, un
obstacle que la science serait en mesure d'expliquer. Comme le sujet est
impliqué dans la recherche, puisque la recherche porte sur ce qui le
fonde, il n'est pas certain qu'il puisse un jour déployer dans
l'objectivité scientifique ce qui le constitue. (Cf le théorème de
Gödel)
Joseph
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