Nouvelle
formulation et approfondissement
La juxtaposition de ces deux expressions les place comme objets de notre
vue, ensemble, et nous invite à ne pas les séparer. Mais la réalité
les mêle étroitement: il nous faut donc scruter l'émergence de
normes dans l'une sans perdre de vue le contexte et l'émergence
de normes dans l'autre.
Si ce que nous venons d'affirmer est pertinent, en portant l'enquête sur
la normativité médicale, nous devrons nécessairement être
accompagnés de la normativité sociale du début à la fin de notre
enquête. Et c'est bien ce qui nous arrive car toute pratique médicale
est aussi une pratique économique dans la mesure où elle est source
de profit.
=> On dit à juste titre que la pratique médicale a pour fins deux
sortes de biens, l'amélioration de la manière de vivre et la
conservation de la vie: c'est l'exercice d'une vocation et ceux qui y
répondent exercent leur rigueur et leur sens moral (habitus), c'est le
fruit d'un apostolat.
Mais ce même mouvement (action) étant générateur de profit en échange
des biens réalisés:nous devons convenir que cet apostolat n'est
pas exempt de convoitise et d'intérêt.
La pratique médicale comme activité de la conscience morale ne peut se
réaliser que dans un contexte socio-économique d'une activité qui
produit un gain.
La normativité médicale ne peut être indépendante de la normativité
sociale: toutes les deux émergent en même temps, se combinent ou parfois
s'opposent. ON dira qu'on ne peut choisir Dieu et Mammon (le Dieu de l'or)
en même temps.
L'émergence des normes de la pratique médicale peut en effet jaillir de
la normativité médicale pure mais aussi de la normativité sociale: l'appât
du gain amène à traiter l'autre et singulièrement le patient mal
informé comme un simple moyen de s'enrichir ou, ce qui revient au même
d'enrichir la recherche scientifique et technique, source de gains de plus
en plus importants.
Que vaut l'exigence de la conscience morale devant l'intérêt? N'est-ce
pas l'intérêt qui est le véritable moteur de l'activité sociale et du
"progrès"?
La juxtaposition de normativité
médicale, normativité sociale nous
invite à une réflexion éthique en fonction d'un contexte réel, daté
historiquement plutôt qu'à des considérations purement morales que ne
suivent qu'un très petit nombre d'individus qui sont balayés par la
foule, d'autant plus que la technique semble accentuer leur
défaite. Il s'agit de comprendre que la moralité va perdre
l'universalité dans l'action particulière et effective mais qu'elle y
gagnera une efficacité certaine.
En insérant la pratique médicale dans le contexte et en particulier dans
le contexte technique, on lui assure bien l'efficacité mais cette
insertion doit être effectuée par des acteurs exigeant beaucoup
d'eux-mêmes: les fins techniques seront alors pénétrées, comme dans un
habitus, du devoir, du droit et du bien, du moins nous pouvons l'espérer.
Car, "s'intéresser" c'est être dans quelque chose, présent
avec toute l'acuité de sa conscience. En s'intéressant aux fins de la
technique, celles qu'elle pose et qu'elle rend possible, le praticien
prend donc une habitude, une vertu. La conscience morale pure et
inefficace se trouve alors transfigurée en éthique ou belle conduite ayant
pour origine la générosité et la grandeur d'âme devenue habituelle.
=>
Si normativité = caractère de ce qui tend à établir une
norme
=> Si normativité doit être cherché dans des
phénomènes d'émergence...
=> Si l'éthique et singulièrement la bioéthique sont
étroitement liées au phénomène d'émergence des normes
ALORS, nous aurons à scruter l'éthique et la
bioéthique pour mener, conjointement notre enquête sur normativité
médicale, normativité sociale. |
Joseph
Llapasset ©
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