Il est évident que la relation corps et émotions s'impose du fait
que la phase initiale de toute émotion se manifeste comme choc
émotionnel dont l'aspect le plus incontestable est celui d'un phénomène
corporel observable et le plus souvent mesurable.
Considérons ce
tableau:
chocs
émotionnels légers |
- Rougeur
(vasodilatation)
- Accélération de la respiration
- Contraction de l'estomac |
chocs
émotionnels brutaux et forts |
- Pâleur
(vasoconstriction)
- Accélération du coeur ou ralentissement
- Respiration accélérée ou arrêtée (pas longtemps...) |
Tous ces effets s'accompagnent évidemment de sécrétions endocriniennes
dont le rôle ne saurait être négligé (conditions ou causes des
effets).
Il s'agit le plus souvent du dérèglement d'un rythme, de la rupture
d'une continuité.
"L'agitation motrice ... est prise dans la masse du trouble
viscéral ..." Ricoeur, philosophie de la volonté, I, page 295
Dans cette
perspective, on comprendra mieux la théorie de William James que
l'on peut résumer ainsi: émotion = conscience des troubles organiques
qui l'accompagnent.
Dans La
théorie de l'émotion de William James, Alcan, 1903, pages 60 et 61,
on peut lire "Ma théorie ... est que les changements corporels
suivent immédiatement la perception du fait excitant, et que le sentiment
que nous avons de ces changements à mesure qu'ils se produisent, c'est
l'"émotion... L'assertion la plus rationnelle est que nous sommes
affligés parce que nous pleurons, irrités parce que nous frappons,
effrayés parce que nous tremblons et non pas que nous pleurons,
frappons ou tremblons parce que nous sommes affligés, irrités ou
effrayés... Sans les états corporels qui la suivent la perception
aurait une forme purement cognitive, pâle, décolorée, elle serait sans
chaleur émotionnelle. Nous pourrions alors voir l'ours et trouver à
propos de nous enfuir, recevoir l'insulte et juger bon de frapper, mais
nous n'éprouverions réellement ni frayeur ni colère."
Il faut
reconnaître que cette théorie paraît expliquer le choc émotionnel.
Pour l'opinion, le sens commun, il y a d'abord une idée ou une
perception, ensuite l'émotion et enfin l'expression de l'émotion. Pour
William James, l'expression corporelle de l'émotion précède ou
accompagne l'émotion proprement dite. (Même point de vue chez Lange). Si
on veut , on dira que la mère qui entend une mauvaise nouvelle: votre
fils est mort, ne pleure pas parce qu'elle a du chagrin mais qu'elle a
du chagrin parce qu'elle pleure, parce qu'elle a des réactions motrices
et viscérales et que l'émotion n'est que la conscience de ces
réactions. Reste à savoir si cela est vraiment une caricature ou s'il y
a une certaine vérité de la théorie.
Joseph
Llapasset ©
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