Auteurs MARIVAUX, Le Jeu de l'Amour et du Hasard.
------------------------------------------------------------ Et qu'en pense Marivaux? De quel côté penche notre auteur? Le canevas de la pièce, le rôle et l'importance accordés aux différents personnages donnent la vedette aux maîtres. Faut-il en conclure que Marivaux les admire sans réserve? Pour tenter de saisir les intentions de l'auteur, nous allons revenir au dénouement, puis étudier sans à priori (si c'est possible!) quelques attitudes des protagonistes.
Lorsque, après un assaut de protestations d'amour indéfectible, elle découvre que Arlequin est du même bord qu'elle, Lisette a un mouvement de surprise déçue qui se traduit par quelques invectives pittoresques "faquin!... mais voyez ce magot!... Il y a une heure que je lui demande grâce et que je m'épuise en humilités pour cet animal-là!" "Masque! Mais voyez cette magote avec qui, depuis une heure j'entre en confusion de ma misère!" lui rétorque Arlequin quand il est à son tour détrompé. Mais le rire et la bonne humeur l'emportent vite sur le mécontentement de s'être dépensés en pure perte. Lisette, dont nous connaissons le réalisme, ne perd pas de vue ce qui est pour elle le plus important et elle se ressaisit bientôt: "Venons au fait: m'aimes-tu? - Pardi oui! En changeant de nom, tu n'as pas changé de visage. - Va, le mal n'est pas grand, consolons-nous et n'apprêtons pas (= ne prêtons pas) à rire". Ils se quittent en s'esclaffant et ce
sont eux qui s'amuseront de l'embarras de Dorante tiraillé entre son amour
et son devoir de caste. Arlequin lui donne en quelque sorte une leçon de
désintéressement en lui prétendant que Silvia l'accepte tel qu'il est:
"Je n'ai pas besoin de votre friperie",
ajoute-t-il, autrement dit, je puis me faire aimer pour moi-même. Arlequin, lui aussi, dit à Lisette: "Avant notre connaissance, votre dot valait mieux que vous. A présent, vous valez mieux que votre dot".
Dorante est récompensé en découvrant que son choix lui permet un mariage assorti, et voilà son valet débarrassé des manières du beau monde. Chacun d'eux va donc se marier dans sa condition, comme leur coeur les y avait tout de suite conduits. Et le deuxième enseignement serait qu'il est sage de choisir son conjoint dans son milieu , parce que les semblables s'attirent et se conviennent.
Faut-il voir dans cette morale où
chacun reste à sa place, et où, par le fait, les privilèges
sont protégés, une préférence de Marivaux? Est-il du côté des
maîtres? Page suivante: Le valet - La jeune fille bien née - La servante |