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BAUDELAIRE

Quelques perspectives sur Le Cygne (II)

Dialogue entre Oui-oui et Hibou. (page 1 et page 2)

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Hibou: Baudelaire s'élève à l'humanité comme ensemble d'individus libres: au delà des apparences, il n'y a que des êtres qui portent en eux l'infini et qui sont pourtant sensiblement affectés, qui souffrent. Ce mouvement vers l'universalité il ne le fait pas par abstraction, il s'appuie sur des relations, des correspondances si tu veux. Comme le cygne qui fait signe vers son pays natal, le lac, la négresse affamée et malade fait signe vers les cocotiers, ses chers souvenirs.
Les cocotiers absents de la superbe Afrique
Note le rythme: [ 4 /2  //  4/ 2]. La diction insistera sur absent et Afriqu. Pour mettre en valeur le rôle de l'imagination, ce pouvoir de l'absence qui nie le milieu, la ville.

Oui-oui: Le quatrième vers: Derrière la muraille immense du brouillard;
Suggère le désespoir, l'impossibilité de rejoindre ce qui a disparu. Une muraille immense ne se franchit pas. Le brouillard de la ville, ce qui étouffe toute musique, les miasmes.

Hibou: L'avant dernière strophe est magnifique:
A quiconque a perdu ce qui ne se retrouve
Jamais, jamais! à ceux qui s'abreuvent de pleurs
Et tètent la Douleur comme une bonne louve!
Aux maigres orphelins séchant comme des fleurs!

Elle témoigne de la grandeur d'âme, de l'humanité de Baudelaire qui s'élève à l'universalité concrète, à cette pitié pour son semblable, pour tous. Dans le sentiment, dans la vie, il retrouve tous ses semblables, dans la souffrance devant les instants heureux qui disparaissent et meurent malgré le souvenir.
Spleen, inséparable de l'idéal car c'est la même source qui les produit.

Oui-oui: La Douleur, une bonne louve!

Hibou: Encore une intuition divinatrice de Baudelaire. Non seulement la douleur nous rapproche de nos semblables mais elle est à l'origine de la force créatrice, elle est sainte, elle purifie, c'est une invitation à l'élévation.

Oui-ouiAux maigres orphelins séchant comme des fleurs!
Ce vers me bouleverse. 

Hibou: L'image des orphelins symbolise la condition de chacun. Le temps nous fait tous des orphelins, nous sommes comme des fleurs qui sèchent au grand vent du temps.

Oui-oui: Revoilà la forêt avec ses arbres qui invitent à quitter le terre à terre, à s'élever vers le monde de l'Esprit, à passer d'un exil imposé à un exil choisi.

Hibou: Les correspondances sont horizontales et verticales. Remarque la majuscule de Souvenir. Le voilà personnifié: il sonne pour rappeler au poète sa vocation, sa mission qu'il vient d'accomplir en créant le cygne: Baudelaire accède ici à la pureté de l'art qui s'élève à l'universel sans jamais perdre de vue le concret: c'est la réalité qui a été transfigurée. Mais comme toujours le spleen est conservé, le cor annonce aussi la mise à mort de la bête traquée par le temps.
Baudelaire se sauve par l'art. Il peut maintenant laisser l'expansion de son esprit s'appuyer sur des symboles, sur des images qui rythment sa pensée. Les matelots oubliés symbolisent les souvenirs, ce qui ne se retrouve jamais, les esclaves d'un maître qui les commande ou de leur chair corrompue, les vaincus, les lâches qui ont désespéré et que le remords taraude, et pour montrer que l'imagination est bien la reine des facultés, il nous laisse penser avec lui: à bien d'autres encor!
Le dernier mot encor rime avec corps et se prolonge comme une dernière mesure qui n'en finit pas. 

Oui-oui: Mission accomplie!

Hibou: Baudelaire par l'harmonie dépasse les idéalismes abstraits et écarte toute forme de détermination du concret par l'abstrait.

Oui-oui: Que veux tu dire?

Hibou: L'idéalisme postule que le concret n'est tel que par l'abstrait. Il s'écroule devant cette réussite qui réconcilie l'image et la pensée. Baudelaire sauve la poésie du formalisme et lui épargne le naufrage du positivisme et du naturalisme, Il rend possible Mallarmé, Claudel, Valéry. Et, remarque qu'il n'y a rien à ajouter à un tel poème qui échappe au mouvement dialectique de dépassement à l'infini: d'une certaine manière, tout y est: le vrai, le juste, le beau.

Oui-oui: Comme trois éclats du Bien.

Joseph Llapasset - ©

(page 1 et page 2)

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