° Rubrique lettres > Baudelaire (Les fleurs du mal) Auteurs BAUDELAIRE Quelques perspectives sur Recueillement Dialogue entre Oui-oui et Hibou. (page 1 et page 2) Site Philagora, tous droits réservés __________________
Hibou: Dans
le recueillement, il y a le mouvement de se pencher pour rentrer en
soi, pour revenir sur l'intimité de la vie spirituelle, comme sur
ce qu'il y a de plus précieux: le sentiment, le Soi qui est
épreuve de soi, Douleur, cette bonne
louve. Il
s'agit pour Baudelaire d'écarter la corruption morale et
l'obsession du gouffre qui engloutit ce qui jamais ne se retrouve.
Là encore le souvenir des femmes, ressuscitée par la magie de
l'art, sauvera le poète de l'angoisse qui l'étreint. C'est le
sens, l'orientation du dernier vers, Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche. Sois sage, ô ma Douleur, et tiens-toi plus tranquille. Oui-oui: Dès le premier vers Baudelaire personnifie la Douleur qui s'agite. Que signifie le possessif ma? Hibou: Qu'elle lui appartient: son âme est Douleur. Il se parle donc pour s'apaiser. Il se parle comme on parle à un enfant. Oui-oui:
Effectivement, Sois
sage,
s'adresse à un enfant. Le rythme, qui commande la diction insiste:
[2/4 // 3/3 ]. Hibou: Comme un enfant la Douleur réclame ce qu'elle n'a pas: le Soir qui vient comme le Sauveur. Oui-oui: Nouvelle personnification: le Soir, le crépuscule cette lumière incertaine qui accompagne le coucher de soleil et l'apparition des premières clartés de la nuit. Hibou: Le soir descend, comme ce qui vient d'en haut, de l'idéal: il s'installe, le voici. Oui-oui: L'atmosphère, c'est une certaine qualité de l'air avec l'impression que cela provoque sur nous. enveloppe, signifie entoure, recouvre, embrasse peut-être. Hibou: Note bien l'adjectif obscure, qui signifie à la fois privé de lumière et propice à la paix, au recueillement comme aux divertissements dans les plaisirs. La paix, tout ce qui est à côté de la césure est mis en évidence. De plus le rythme insiste sur la paix. [4/2 // 3/3 ]. Pendant que des mortels la multitude vile, Dans le premier vers, la répétition des d, et des t, fait entendre la course sans fin à des plaisirs qu'il faut toujours recommencer à poursuivre, comme le mécanisme d'une foule d'esclaves qui répètent. C'est le mauvais infini du mal. multitude désigne une foule, le grand nombre, mais aussi le troupeau et la prolifération du mal dans l'obscurité complice: vile, marque le mépris pour la lâcheté de ceux qui cèdent à leurs appétits. Oui-oui: Nouvelle personnification par une métaphore, le Plaisir, avec un fouet parce qu'il est souffrance, précédé de la soif et suivi de la tristesse puisqu'il disparaît sans cesse. Le plaisir est mêlé à la souffrance dans la perversité de ceux qui éprouvent du plaisir à souffrir ou à faire souffrir. Hibou: C'est le sadisme, c'est le masochisme ou même le sado-masochisme. Remarque les oxymores, le fouet du Plaisir, la fête servile, cueillir des remords, qui marquent la dépravation en faisant apparaître des relations surprenantes, malsaines. Oui-oui: Le plaisir est bien un bourreau que rien ne peut apaiser, il est sans merci, impitoyable, puisqu'il creuse nécessairement une nouvelle soif par sa disparition. Cueillir , s'oppose à recueillir comme l'extériorité dégradante à l'intériorité de l'âme. Il semble que, pour Baudelaire, il y ait des remords, douleur d'avoir mal agi, des regrets de n'avoir pas agi par lâcheté, de ne pas avoir suivi son devoir trop souvent, de lui avoir préféré des appétits aliénants. Fête servile, quel oxymore! La fête occasion de réjouissance, de rencontres et de joie, disqualifiée par l'adjectif servile: indigne d'un homme libre, avilissante.
Joseph Llapasset - ©
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