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BAUDELAIRE

Quelques perspectives sur La cloche fêlée

Dialogue entre Oui-oui et Hibou (page1 page 2) 

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Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!

Oui-ouiBienheureux, comme par exemple "Bienheureux les artisans de paix".

Hibou: Ici la cloche symbolise ceux qui ont le courage d'accomplir leur mission; gosier renvoie au bronze et vigoureux à la force, à la portée de la voix.

Oui-ouiElle est ancienne et pourtant elle accomplit sa mission régulièrement: c'est qu'elle trouve en elle le courage et ce courage elle le tient de la confiance, de la paix qu'elle éprouve. Le troisième vers commence par un éclat avec le Jette, peut-être pour marquer sa résolution, sa fidélité.

Hibou: Rythme et musique s'allient pour faire entendre cela: parfait ajustement de la forme et du fond. 
Jette fidèlement son cri religieux. [2/4 // 2/4]; (quatre i)
Que te fait dire le dernier vers de cette strophe?

Oui-oui?

Hibou: Le soldat est dans une tente de l'armée: à l'époque un marabout en forme de cloche. C'est un battant! Il veille, il ne dort pas, c'est une sentinelle. Il est courageux, ce n'est pas un lâche. Sa conduite est admirable parce que tout l'invite à s'endormir, il est vieux.

Oui-ouiComme dit Cocteau, après le sommet, on ne peut que redescendre: le Spleen n'est pas loin... 

Hibou: C'est que, un contraire éclaire l'autre. Les deux visions de la cloche fidèle et du vieux soldat qui veille renvoie le poète à sa lâcheté. Il se sent écrasé par les souvenirs de ses échecs, de ses fautes. Il mesure son malheur, ce qu'il n'a pas réalisé.
Voyons le sixain que la tradition sépare en deux tercets. 

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.

Oui-oui: Son âme ne peut plus créer; les ennuis c'est la douleur et la souffrance morale.

Hibou: Comme Le cygne de Mallarmé pris dans les glaces, il essaie de se libérer: c'est la grandeur de l'âme de vouloir. Il essaie tout de même. La mission de Baudelaire serait de faire luire l'idéal au creux des glaces, des misères.

Oui-ouipeupler suggère qu'il devait rappeler aux vivants qu'ils ne sont pas seuls (Voir Correspondances). Pourquoi dit-il souvent?

Hibou: Parce que Baudelaire sait qu'il a créé des chefs d'œuvre, Le balcon par exemple. Souvent signifie pas toujours.

Oui-oui: Le sonnet se termine mal...

Hibou: Blessé dans son âme par le mal, oublié sans que personne puisse l'aider, seul, il agonise: le grand tas de morts ce sont les souvenirs. Le lac de sang est une allusion à un tableau de Delacroix déjà évoqué dans les phares (page 20).

Oui-oui: Admirable le dernier vers qui exprime le tragique, l'écrasement de celui qui ne peut soulever le poids qui pèse sur lui. Harmonie du mouvement et de l'immobilité! 

Hibou: Rythme, musique font qu'il se prolonge alors qu'il exprime l'immobilité de ce qui vit encore. Consonnes jouent pour faire attendre le prolongement (m, r, s) et la souffrance (i, é).
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts. [3/3 // 4/2], insiste sur la chute. Les efforts pour chanter malgré tout.
La mort est la porte vers l'idéal.

Joseph Llapasset - ©

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