=
Rappelons que, selon Machiavel,
l'action politique, pour réussir exige que l'on tienne compte
des conditions dans lesquelles s'exerce l'action et en
particulier de la morale et des mœurs. Il s'agit simplement,
non pas de les suivre, mais de ne pas les heurter de front. Il
suffit de paraître vertueux, d'avoir l'air de l'être. Jusque
dans le vice il convient de rendre hommage à la vertu.
Au fondement de l'État se trouve le Prince comme une source,
et sans lui l'homme ne serait qu'une bête. SI c'est bien le
Prince qui crée la situation morale, s'il en est à
l'origine, comment peut-on penser qu'il devrait se soumettre
à ce qui lui est relatif, à ce qui découle de lui. Le
Prince par la prise de l'État se constitue en absolu. Dans
ces conditions il lui suffit de proclamer son accord avec les
moraliste, c'est à dire son accord avec ce qui, dépendant de
lui, a le devoir de le servir. La raison pour lui n'est donc
qu'un moyen rhétorique, en aucun cas une fin.
L'action ne réussira que si on fait son compte d'après les
faits, d'où l'importance d'une bonne information de l'État
par la police et l'administration si c'est un État
autocratique ou par les députés pour l'État
constitutionnel.
=
L'État naît
d'une insuffisance, l'incapacité de la
société civile à se réguler elle même. Ni la famille,
ni la cité, déchirées entre l'efficacité et le sens,
passionnées pour ainsi dire, ne peuvent effectuer cette
régulation. L'État, par contre, ne laisse pas agir la
société vers la pure et simple efficacité et d'autre part
ne laisse pas s'installer l'intégrisme qui serait ruineux
pour la liberté des individus. Le sens de l'action d'un État,
sa signification et son orientation, c'est le maintien, la
coexistence de la communauté historique et de la lutte contre
la pénurie. A l'État, et à l'État seul, il
appartient de décider, de choisir, de vouloir
universellement.
L'action de
l'État, parce que il ne se constitue pas en absolu, vise donc
à rendre le bonheur possible, sans pour cela le déterminer,
lui donner un contenu particulier. Parce qu'il interdit de
définir universellement le bonheur, il devient le garant de
la liberté. Ce faisant , il fait place à la particularité
des individus, à leurs protestations, à leur volonté de
choisir les fins de l'action et d'ajuster à ces fins des
moyens.
Alors même quand il effectue le choix de la raison c'est
l'individu qui se détermine librement.
C'est dire
que le rôle de l'État est essentiellement régulateur, si
l'on préfère, c'est un arbitre. La caractère de l'État
moderne c'est qu'il connaît son rôle et le comprend:
maintenir la communauté dans son être, le sens, sans pour
cela tourner le dos à la rationalité. Poser comme fin de son
action la synthèse effectivement réalisée entre modernité
rationnelle et le sens.
Par ailleurs,
comme l'a très bien vu Machiavel, l'action n'étant possible
que si elle est bien ajustée aux faits, la condition de
l'action entreprise par l'État c'est avant tout une bonne
information, ce qui permet d'ajuster le pays légal et le
pays réel. Cet ajustement permet d'éviter les
révolutions.
Le problème
posé par toute action politique sera donc: comment s'informer
et trouver des représentants qui représentent ceux qui les
ont choisis.
Dans tous les cas l'État exerce le pouvoir, en choisissant,
en décidant. On est loin de la pensée commune qui n'est
qu'une opinion et qui voudrait nous persuader que la politique
n'est qu'une chambre d'enregistrement de décisions qui ne lui
appartiennent plus, comme si le sens devait plier le genou
devant l'efficacité d'une mondialisation. A partir du moment
où le politique se réapproprie son pouvoir et l'exerce
pleinement, en choisissant, en décidant, on peut penser
qu'une politique qui échoue n'a pas d'excuses: à l'exercice
de la liberté est attachée la responsabilité.
Mais une
politique intelligente et bien informée peut-elle échouer?
Joseph
Llapasset
|