II
En
présence de la sociologie, l’histoire s’est renouvelée.
L’histoire
ne pouvait rester indifférente à la formation de la sociologie
comme science, et comme elle s'était mise à la mode du
romantisme, elle devait aussi s'inspirer des nouvelles théories
économiques et sociales.
Elle
a élargi au maximum son domaine en présentant l’humanité en
long et en large suivant l'expression de Gooch, en regardant au
delà et en deçà des événements dynastiques, diplomatiques,
politiques et militaires en essayant de retrouver toute la suite
de la civilisation, toute l'évolution de la vie collective, en
donnant même une importance particulière aux faits économiques
et sociaux.
L'histoire
a fait plus. Elle a projeté dans le passé les théories sociales
contemporaines et le passé est apparu tout autre sous cet éclairement
nouveau. C'est l'histoire socialiste de la Révolution par Jaurès…
…Ainsi
l'histoire abondait dans le sens social autant que la sociologie.
Elle a encore voulu se rapprocher d'elle, en changeant de méthode.
Supportant mal d'être considérée comme moins qu'une science,
elle a voulu s'élever au-dessus du simple récit du passé, en se
faisant explicative.
Elle
en a trouve un premier moyen en recourant à la méthode comparée…
La comparaison des faits, pour la recherche d'éléments
analogues, est à la hase de la sociologie. Cette comparaison, en
choisissant certains éléments de préférence, constitue une
part d'abstraction. Mais l’historien a cru pouvoir y recourir
sans sortir de son rôle, dans l'espoir de rendre certains faits
plus clairs, d'en donner une plus juste interprétation, d'en
saisir, suivant l'expression de Sée, sinon les causes, du moins
les conditions.
Est-ce
que d'ailleurs l'histoire ne pourrait pas atteindre la causalité
elle-même, en distinguant et en analysant tous les rapports
divers que les faits présentent entre eux, en dehors de leur
ressemblance ou de leur différence. Cette préoccupation a amené
d'abord l'historien roumain Xénopol à établir des séries de
causes. Et Henri Berr a fait mieux encore en proposant, dans son
livre sur la Synthèse en Histoire trois sortes de
causalités à l'attention des historiens : la causalité
brute ou déterminisme; la causalité légale; la causalité
profonde ou logique;
Mais
l'étude des causes, qui implique un retour du présent vers le
passé, va à l'encontre du mouvement naturel de l'histoire. Et,
suivant un mot de Desdevizes du Dézert, " toutes les
constructions artificielles dont on encombre l'histoire la déforment
et lui donnent une allure raide et guindée que la réalité ne
lui donna jamais ".
En
se faisant explicative, l'histoire risque de ne plus être elle-même,
sans pouvoir d'ailleurs espérer satisfaire toutes les exigences
des sociologues. Placée à mi-chemin entre le monde abstrait et
le monde réel, sera-t-elle encore accessible au grand public et
à la jeunesse? N'auront-ils pas tendance à lui préférer
l'histoire dite romancée, qui trahit la vérité en l'enjolivant?
Dans ces conditions l'histoire ne doit-elle pas revenir simplement
au récit du passé?
Par J. Llapasset |