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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

SPINOZA  (1632 - 1677)

Spinoza: La nature de la liberté. (Lettre à Schuller, LVIII)

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"J'appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa nature; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d'une certaine façon déterminée.
Dieu, par exemple, existe librement bien que nécessairement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même aussi Dieu se connaît lui-même librement parce qu'il existe par la seule nécessité de sa nature. De même aussi Dieu se connaît lui-même et connaît toutes choses librement, parce qu'il suit de la seule nécessité de sa nature que Dieu connaisse toutes choses. Vous le voyez bien, je ne fais pas consister la liberté dans un libre décret mais dans une libre nécessité.
Mais descendons aux choses créées qui sont toutes déterminées par des causes extérieures à exister et à agir d'une certaine façon déterminée. Pour rendre cela clair et intelligible, concevons une chose très simple: une pierre par exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse, une certaine quantité de mouvement et, l'impulsion de la cause extérieure venant à cesser, elle continuera à se mouvoir nécessairement. Cette persistance de la pierre dans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elle est nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie par l'impulsion d'une cause extérieure. Et ce qui est vrai de la pierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelle que soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, si nombreuses que puissent être ses aptitudes, parce que toute chose singulière est nécessairement déterminée par une cause extérieure à exister et à agir d'une certaine manière déterminée.
Concevez maintenant, si vous voulez bien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir, pense et sache qu'elle fait effort, autant qu'elle peut, pour se mouvoir. Cette pierre assurément, puisqu'elle a conscience de son effort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elle est très libre et qu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut."
Spinoza (Lettre à Schuller, LVIII)

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Plan possible de votre devoir: 

Première partie: faire apparaître le sens du texte à partir de la détermination des concepts. Bien souligner le mouvement du texte et sa rigueur (cf. page précédente)

Deuxième partie: souligner les intérêts du texte. 

Par exemple:

- La critique du libre arbitre. Il faut bien admettre que l'évidence de liberté accompagne l'ivrogne ou l'aliéné qui est incapable de maîtriser ses impulsions. L'évidence n'est pas un critère de vérité: il est évident pour moi que je conduis bien, quand je suis grisé par l'alcool et par la vitesse ...

- On peut échapper à certaines contraintes par la connaissance, mais on n'échappe pas à la nécessité comme développement de sa nature. Désirer ne pas désirer c'est encore un désir!

Troisième partie: on peut s'interroger sur cette pierre qui ferait effort (a) ...
Si rien n'échappe à Dieu, on ne peut plus parler de création, mais d'émanation: c'est la possibilité d'une responsabilité qu'il sera difficile de fonder.

Pour une conclusion:

Bilan - La liberté, ce n'est pas agir par les décrets d'un libre arbitre: la liberté consiste à être et à agir par la seule nécessité de sa nature.
C'est donc la connaissance qui est le chemin de la liberté, dans la mesure où elle nous permet de distinguer ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend par de nous.

Élargissement - Le problème de la création des vérités éternelles. 

Dans la lettre au père Mesland du 2 Mai 16644 (Pléiade page 1167) Descartes affirmait: "Encore que Dieu ait voulu que quelques vérités fussent nécessaire (par exemple: les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits), ce n'est pas dire qu'il les ait nécessairement voulues car c'est tout autre chose de vouloir qu'elles fussent nécessaires, et de le vouloir nécessairement ou d'être nécessité à le vouloir." Pour Descartes, les vérités théoriques (par exemple les contradictoires ne peuvent être ensemble) ont une origine dont elles procèdent: elles ne sont donc pas ce qui permet de connaître Dieu, c'est dire que l'intelligibilité est dépassée par Dieu, que Dieu ne peut être compréhensible à partir de ce qu'il crée: cette distance exclut le panthéisme: il n'y a pas de pont entre l'infini mathématique et l'infini divin. Comme le Dieu de Spinoza Dieu n'agit que par rapport à lui même (Éthique, App. & 64).

Au contraire, dans ce texte, Leibniz pense qu'il ne peut y avoir de volonté sans raison: une décision immotivée ne peut être louée: il serait d'ailleurs contradictoire de louer deux attitudes opposées. Toute volonté présuppose la représentation du résultat que l'on attend de l'action, suppose donc quelque raison de vouloir. Dire que Dieu connaît les choses en même temps qu'il veut revient à dire qu'il les veut sans les connaître. (cf. Leibniz, Lettre à Molarius: "Le Dieu de Descartes n'a pas de volonté ni d'entendement, puisque, selon Descartes, il n'a pas le Bien pour objet de la volonté ni le Vrai comme objet de l'entendement.")

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