Analyse des
concepts de la 3ème partie ou conclusion.
... "Ainsi
tout le titre par lequel vous possédez votre bien n'est pas un titre de
nature, mais d'un établissement humain. Un autre tour d'imagination
dans ceux qui ont fait les lois vous aurait rendu pauvre; et ce n'est
que cette rencontre du hasard qui vous a fait naître, avec la fantaisie
des lois favorables à votre égard, qui vous met en possession de tous
ces biens."
Ainsi:
introduit une conclusion. Étant donné ce qui vient d'être dit,
en conséquence de ce qui vient d'être dit.
Tout
le titre: la totalité sans exception de l'acte qui vous fait
propriétaire de vos biens n'est pas fondée en nature, sur votre
condition naturelle, ce que vous êtes, mais sur ce qui a été établi
par des lois et donc sur la volonté des hommes qui se sont accordés
pour l'établir, pour l'instituer.
Le
titre: c'est la cause donnant droit à posséder, ce qui établit
ce droit. Dans sa formulation comme dans son contenu, il a pour seule
origine un établissement humain, une institution par des hommes.
Tour
d'imagination: manière d'être, aspect que présente l'imagination
à tel ou tel moment du temps, en fonction des circonstances, de la
fantaisie, du bon plaisir, et, pourquoi pas, d'un caprice du moment.
Les
lois: ce qui commande, ce qui prescrit un ordre arbitraire, par
exemple transmettre les biens à l'aîné et non au cadet. Pourquoi pas
en les partageant équitablement, pourquoi au cadet et pas à l'aîné?
Parce que ce n'est pas établi.
Naître:
arriver aux rivages de lumière ici et pas ailleurs, à tel moment et
pas à tel autre moment, dans cette famille de nobles et pas dans une
famille de paysans affamés. Dans un cadre juridique qui vous est
favorable et qui légitimera la possession de tous les biens accumulés
par vos ancêtres, même si votre immense propriété n'est pas cultivée
alors que des pauvres meurent comme des mouches tout autour.
La fantaisie:
dans tous les sens du terme: ce qui est issu de l'imagination et donc ce
qui aurait pu être autre, ce qui n'est qu'oeuvre d'imagination,
comme une chimère, une irréalité née d'un caprice ou du bon plaisir
des législateurs qui imaginèrent une loi pour privilégier leurs
enfants.
Il
est toujours risqué de critiquer un auteur et, si c'est Pascal, d'un
auteur extrêmement intelligent. on peut se risquer à l'interroger pour
laisser deviner la possibilité d'une objection: on s'interroge.
Que dire du cas où les grandeurs d'établissement ne font que reconnaître
le courage d'un individu qui n'hésite pas à risquer sa vie pour défendre
ses semblables? Cette noblesse d'une conscience de soi qui s'élève
au-dessus de l'animalité en risquant consciemment sa vie n'est-elle
pas, à la fois, une grandeur naturelle qui se retrouve dans une
grandeur d'établissement?
Pour aller plus loin, on peut essayer d'imaginer la réponse que
donnerait Pascal. On ne peut établir et faire perdurer une noblesse qui
ne se transmet pas nécessairement aux enfants. Pascal maintiendrait
donc la distinction de deux ordres de grandeur en affirmant que même si
ces deux ordres sont compatibles, le noble pouvant mériter de l'estime
cela ne signifie pas que les deux ordres soient confondus.
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