La
morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l'idéologie,
ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent
aussitôt toute apparence d'autonomie. Elles
n'ont pas d'histoire, elles n'ont pas de développement; ce sont au
contraire les hommes qui, en développant leur production matérielle et
leurs rapports matériels, transforment, avec cette réalité qui leur
est propre, et leur pensée et les produits de leur pensée. Ce
n'est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine
la conscience. Dans la première façon de considérer les choses, on
part de la conscience comme étant l'individu vivant, dans la seconde façon,
qui correspond à la vie réelle, on part des individus réels et
vivants eux-mêmes et l'on considère la conscience uniquement comme leur
conscience.
MARX, l'idéologie allemande, Ier partie, Éditions sociales.
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Détermination
des concepts pour expliquer le texte:
L'idéologie:
ce terme désigne toutes les productions "spirituelles", l'État,
le Droit, la Morale, la Religion, la Métaphysique... qui relèvent du
ciel, de l'idéal, de ce qui n'est pas réel, du pouvoir des mots si
l'on préfère. Marx énumère des éléments de la superstructure, ce
qui apparaît aux yeux de l'opinion: ce sont des reflets dans le cerveau
, reflets de processus réels: les forces de production, les rapports de
production, constitutifs de l'infrastructure, lieu de la réalité
vivante.
En ce sens la classe la plus puissante matériellement serait nécessairement
la classe dominante. Il ne faut pas croire qu'il s'agisse d'un mécanisme
car le reflet de l'infrastructure dans le cerveau, c'est à dire la
superstructure, exerce en retour une action sur l'infrastructure et peut
dans une certaine mesure modifier les processus réels de la vie:
cependant, l'influence déterminante reste un privilège de
l'infrastructure.
La morale qui se présente à tort comme un
commandement catégorique, loin de commander ne fait que relever d'une
stratégie qu'elle sert: la stratégie de la classe dominante.
De même
la religion qui prêche la patience dans l'attente d'un
autre monde, participe grandement à l'aliénation du travailleur qui
est ainsi préparé à subir la dépossession de son travail, parce
qu'on lui prêche la pauvreté.
Quant à la métaphysique, qui situe le moi le monde et
Dieu dans le ciel des idées, elle relève d'autre que chose que d'elle:
elle a pour origine le désir qui en se satisfaisant imaginairement
devient illusion.
Perdent
aussitôt: dès qu'on part des activités réelles de la vie
humaine, on ne peut plus croire à l'autonomie des idées: un reflet,
une image reçoit sa loi et varie en fonction du modèle dont elle est
le reflet. En conséquence, l'idéologie regroupe des éléments qui ne
peuvent avoir une histoire, au sens de développement, devenir engendré.
Développement:
ici le terme doit être pris au sens de changement, de transformation
qui a pour origine la réalité vivante et ses contradictions: le développement
c'est une transformation continuée, une croissance et une progression.
C'est l'apanage des vivants. Or les idées, simples reflets, ne sont pas
des vivants. Elles reçoivent donc leur détermination d'une
infrastructure et si les rapports de production changent, si les forces
de production changent, alors les idées changent. Pour que le reflet
change, il faut que le modèle change.
Les
hommes: ce sont donc les hommes qui vivent et d'abord doivent
survivre, ce qui instaure une production matérielle et l'exercice de
forces de production: les rapports se déterminent en fonction des
forces de production.
Transforment
avec: en transformant la réalité par le travail, les hommes
transforment leurs forces de production et leurs rapports matériels. Ce
faisant, ils développent leur pensée et en conséquence les produits
de leur pensée.
Ce
n'est pas la conscience: bien saisir le sens du verbe "déterminer".
Il signifie définir au sens de produire par des causes antécédentes.
La conscience ne peut déterminer la vie car,comment un reflet, une
image, une illusion, pourrait-il agir sur son modèle au point de le
transformer, de lui donner une autre forme! Ce qui se développe réellement
dans la vie réelle des hommes vient de ce que les hommes ont "à
vivre": ils produisent d'abord pour vivre.
La
vie détermine la conscience: tout simplement parce que la
conscience est un produit de la vie, la vie se reflète dans la
conscience.
Maintenant Marx explicite la formule:
Dans
la première façon ... On a le tort d'assimiler la conscience
et l'individu vivant car, ce faisant, on donne la vie à la conscience,
l'autonomie et donc la possibilité d'avoir un développement.
Dans
la seconde façon ... On parlait de la
conscience, il faut parler de leur conscience: on part
de la réalité des individus qui vivent et on ne fait pas de la
conscience une entité générale qui règnerait: en parlant de leur
conscience, on reste au niveau de ce qui déterminé par la réalité et
la vie des individus.
Une conscience c'est ce qui est déterminé par une réalité vivante
matérielle qui se développe.
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