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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

LEIBNIZ

 L'origine de toutes les erreurs. (Remarques sur Descartes)

(BAC 2004) => page 1 - page 2page 3 - page 4

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Expliquer un texte

   "L'origine des erreurs est, en un certain sens, la même que celle des erreurs de calcul, qui arrivent aux arithméticiens. En effet, il arrive souvent qu'à défaut d'attention ou de mémoire, nous faisons ce qu'il ne faut pas faire ou que nous omettons ce qu'il faut faire, ou bien que nous croyons avoir fait ce que nous n'avons pas fait, ou que nous avons fait ce que nous croyons n'avoir pas fait. Ainsi, il arrive que, dans le calcul (auquel correspond le raisonnement dans l'esprit), on oublie de poser certains signes nécessaires ou qu'on en mette qu'il ne faut pas; qu'on néglige un des éléments du calcul en les rassemblant, ou qu'on opère contre la règle. Lorsque notre esprit est fatigué ou distrait, il ne fait pas suffisamment attention aux opérations qu'il est en train de faire, ou bien, par une erreur de mémoire, il accepte comme déjà prouvé ce qui s'est seulement profondément enraciné en nous par l'effet de répétitions fréquentes, ou d'un examen prolongé, ou d'un désir ardent. Le remède à nos erreurs est également le même que le remède aux erreurs de calcul: faire attention à la matière et à la forme (1), avancer lentement, répéter et varier l'opération, recourir à des vérifications et à des preuves, découper les raisonnements étendus, pour permettre à l'esprit de reprendre haleine, et vérifier chaque partie par des preuves particulières. Et puisque dans l'action, on est quelquefois pressé, il est important de s'habituer à garder le sang-froid et la présence d'esprit, à l'exemple de ceux qui, même au milieu du bruit et sans calculer par écrit, savent exécuter des opérations sur des nombres très élevés. Ainsi l'esprit s'habitue à ne pas se laisser facilement distraire par les sensations externes ou par ses imaginations et ses affections propres, mais à rester maître de ce qu'il est en train de faire, à conserver sa faculté critique ou, comme on dit communément, son pouvoir de faire retour sur lui-même, de manière à pouvoir, tel un moniteur (2) étranger, se dire sans cesse à lui-même: vois ce que tu fais, pourquoi le fais-tu actuellement?"
Leibniz. "Remarques sur Descartes"

(1): "la matière et la forme": le contenu et l'enchaînement du raisonnement.
(2):"moniteur": quelqu'un qui avertit, conseille.

 
Première étape (suite)

Quelle est l'articulation de la première étape sur l'origine de toutes les erreurs?

- Une affirmation, la première phrase. Cette affirmation, la suite de la première étape l'établit par une argumentation. L'argumentation est introduite par l'expression en effet.

- Leibniz veut à la fois établir que l'origine est la même et que cette origine, ce d'où naît l'erreur, se trouve être une fatigue de l'esprit ou une confusion de la mémoire.

La démonstration procède par une comparaison des erreurs dans l'action et des erreurs dans le calcul: cette comparaison, pour peu qu'on ait bonne mémoire, fait apparaître leur identité et leur origine. La difficulté à saisir une démonstration c'est qu'il faut faire attention à ce qu'on lit et garder en mémoire ce qu'on vient de lire. En effet, quand Leibniz donne des exemples d'erreurs dans le calcul, il faut garder en mémoire les exemples d'erreurs dans l'action qu'il vient de donner pour voir ce qui est identique  entre l'action et le calcul. Un esprit faible se fixe sur l'intuition présentée et oublie ce qui vient d'être présenté. Le passage du passé immédiat au présent n'étant pas assuré, on ne peut saisir l'identité entre ce qui vient d'être dit et ce qui est dit. C'est bien un défaut d'attention (à ce qui se passe) et un défaut de mémoire qui permet de comprendre les erreurs dans l'action comme dans le calcul.

- Beaucoup de candidats auront parlé du calcul mathématique alors que, ici, il s'agit du calcul arithmétique.

- Ainsi, souligne l'identité que présente la comparaison entre les diverses erreurs de l'action et du calcul et doit être pris dans le sens suivant: de la même manière, de manière identique. Présentons la comparaison dans un tableau:

Erreur dans l'action

Ainsi 

Erreur de calcul

Nous faisons ce qu'il ne faut pas faire

On met ce qu'il ne faut pas
Nous oublions ce que nous devons faire On oublie de poser certains signes
Nous croyons avoir fait ce que nous n'avons pas fait On néglige un des éléments du calcul en les rassemblant (c'est ce qu'on appelle  un mécompte).

Le tableau permet de passer de gauche à droite, ce passage s'effectue par tautologie (= dire la même chose), la tautologie est indiscutable: les erreurs dans l'action et dans le calcul sont semblables et de ces erreurs on peut remonter  à deux origines communes. Dans tous les cas, l'origine est la même, ou bien un défaut d'attention d'un esprit fatigué, ou bien un défaut de mémoire, une confusion:
- fatigué, l'esprit ne fait suffisamment attention
- ou alors la mémoire confond ce qui relève de la preuve et de la règle avec ce qui relève du préjugé, de la sensibilité, ou encore de l'opinion qui n'est que l'expression d'un désir.

Pas de rigueur dans une démonstration sans intuition, sans mémoire: sans un raisonnement vigilant dirait Épicure.

Vers page 3

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