"La
restauration en nous de la disposition primitive au bien n'est
donc pas l'acquisition d'un mobile pour le bien, mobile perdu par
nous, car ce mobile, qui consiste dans le respect de la loi
morale, nous n'avons jamais pu le perdre, et, si c'eût été
possible, nous ne pourrions jamais plus de nouveau l'acquérir.
Il ne s'agit donc que de restaurer la pureté
du mobile en tant que fondement dernier de toutes nos maximes, et,
par là même, il doit être accueilli dans le libre arbitre non
uni seulement à d'autres mobiles ou peut-être même subordonné
à eux (c'est à dire aux inclinations) comme conditions, mais en
toute sa pureté, en qualité de mobile, en soi et suffisant, de détermination
de ce libre arbitre."
Kant. (La religion dans les limites de la
simple raison. Première dissertation - De l'inhérence du mauvais
principe à côté du bon, ou du mal radical dans la nature
humaine. pages 69 à 71)
Pour
une explication par les concepts
La restauration.
La remise en activité, la réactivation d'une disposition à,
c'est l'aptitude au Bien, faire son devoir par devoir.
Primitive.
A l'origine, à la racine qui n'a pas été suivie par le choix
qui a été fait de donner prééminence aux passions sur la
raison.
Mobile.
Doit être compris au sens de ce qui fournit une impulsion, un
mouvement vers, ce grâce à quoi ce mouvement peut être effectué.
Ce mouvement ne se déploie pas dans le temps mais dans l'instant
car le mobile en soi est suffisant; on le trouve dans la raison
pratique. Il est inutile donc de le chercher ailleurs: on ne
cherche pas à acquérir ce qu'on a, on ne peut que le restaurer
dans sa pureté.
Perdu
par nous. Ce mobile ne peut pas avoir été perdu. Il
suffit de lui redonner sa pureté, ce caractère d'absolu qu'il a
en soi dans la mesure où il a sa raison d'être en soi et non pas
dans un quelconque intérêt sensible qui nous ferait agir conformément
au devoir mais non pas par devoir. On chercherait en vain un
mobile pour le Bien ailleurs que dans la bonne volonté, ailleurs
que dans le libre-arbitre moral que nous donne la raison pratique.
Car.
Parce que ce mobile est respect pour la loi morale, nous ne
pouvons pas le perdre sans perdre la raison. En effet si le
respect n'est rien d'autre que l'effet de la loi sur le sujet, le
respect est le seul mobile d'action qui soit moral, indépendamment
de l'expérience particulière: il vaut donc pour tout être
raisonnable.
Et si...:
Même si on accorde tout à ceux qui affirment que le mobile pour
le Bien peut être perdu, on doit admettre qu'il ne pourrait
jamais être retrouvé dans le monde sensible de la Nature ...
C'est parce que l'homme a une double nature que d'une part il
connaît son devoir et d'autre part, ce devoir est toujours
difficile. L'homme n'est pas un Saint.
A
jamais. S'il avait été
possible -et ce n'est pas le cas- de perdre le mobile, on aurait
perdu sa nature intelligible et nous n'aurions aucun moyen de la
restaurer, de restaurer ce pouvoir de choisir le bien uniquement
parce c'est le bien. Choisir le bien suppose qu'on puisse le
distinguer du mal ... grâce à la loi morale.
En conséquence, on ne peut faire du bien la conséquence
d'un penchant, car ce serait exclure la liberté et la
responsabilité.
Pureté.
terme essentiel: l'absolu est pur, sans mélange, parce qu'il a sa
raison d'être en soi. Le mobile est sans mélange de sensibilité.
Accueilli
dans le libre arbitre. Il s'agit simplement de le
restaurer dans sa pureté (absence de mélange) comme mobile en
soi et
suffisant,
qui n'a besoin d'aucune condition sensible pour être lui même.
L'impératif est donc catégorique en ce que c'est la détermination
par la raison qui fait que l'impératif ordonne sans condition. En
soi, signifie dans le texte: indépendamment de toute condition.
Kant écrit dans Les Fondements de la métaphysique des moeurs:
"Il y a un impératif qui nous ordonne immédiatement une
certaine conduite, sans avoir lui même pour condition une autre
fin relativement à laquelle, cette conduite ne serait qu'un moyen."
(par exemple de se faire bien voir...).
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