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L'étude de texte - 

Un auteur, un texte  par J. Llapasset 

EPICURE  (341 - 270)

Épicure, Se suffire à soi même. (Lettre à Ménécée)

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"C'est un grand bien, à notre sens, de savoir se suffire à soi même, non pas qu'il faille toujours vivre de peu, mais afin que, si nous ne possédons pas beaucoup, nous sachions nous contenter de peu, bien convaincus que ceux-là jouissent le plus de l'opulence qui ont le moins besoin d'elle. Tout ce qui est naturel est aisé à se procurer mais tout ce qui est vain est difficile à avoir. Les mets simples nous procurent autant de plaisir qu'une table somptueuse si toute souffrance causée par le besoin est supprimée. Le pain d'orge et l'eau nous causent un plaisir extrême si le besoin de les prendre se fait vivement sentir.
L'habitude, par conséquent, de vivre d'une manière simple et peu coûteuse offre la meilleure garantie d'une bonne santé; elle permet à l'homme d'accomplir aisément les obligations nécessaires de la vie, le rend capable, quand il se trouve de temps en temps devant une table somptueuse, d'en mieux jouir et le met en état de ne pas craindre les coups du sort."
Epicure, (Lettre à Ménécée)

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 Explication par la détermination des concepts. (suite)

L'habitude: pourquoi l'habitude? Parce que l'habitude est une seconde nature qui nous donne confiance en nous (elle reste quoi qu'il arrive, on peut compter sur elle comme sur une capacité)  et nous débarrasse de la peur de perdre l'opulence. Celui qui sait se suffire est à l'origine de son bonheur et la perte de l'opulence ne lui enlèvera rien s'il est capable de se satisfaire d'une vie simple. On peut toujours s'appuyer sur l'habitude: dans la conduite automobile le débutant hésite, puis il conduira par habitude ce qui lui permettra de faire face à un événement inattendu. Ajoutons que celui qui se sait  capable de se contenter d'une vie simple, ne craint pas, n'est pas hanté, au coeur du plaisir, par l'angoisse de le voir disparaître. C'est dire que l'habitude de la frugalité nous rend indépendant et libre. De plus l'exercice de la vie frugale va nous révéler qu'elle est suffisante puisqu'en faisant disparaître le besoin, on peut jouir du repos, le seul plaisir qui doit être visé, l'absence de trouble de l'âme et de douleur du corps. 
Le plaisir en mouvement est précédé de la peine et suivi de la souffrance de le voir disparaître dès que nous le possédons. Si le pain et l'orge nous procurent un plaisir extrême, suivi d'un repos, ils suffisent à notre bonheur jusque dans le temps de la disette.

Par conséquent: en conséquence, Épicure déduit tous les bienfaits de l'habitude d'une vie frugale:
- La bonne santé que nous enlèvent les tables chargées de mets, cuisinés au gras.
- La vie frugale nous laisse toujours disposée à l'action, celle qu'exige la vie de tous les jours. Pas de lourdeurs,  de paresse, de sieste épaisse et épuisante, après un grand et interminable repas qui nous prédispose à la somnolence: nous voilà délivrés de nombreux maux.
- D'autant plus que l'habitude de la vie frugale, par comparaison, nous permettra de goûter pleinement une table de fête. Ainsi des moines qui se soumettent à de longues privations éprouvent des plaisirs extrêmes.

- Enfin l'habitude de la vie frugale nous rend capables de ne pas craindre les coups de la fortune. Loin de nous sentir condamnés à une vie frugale, nous allons être comblés par cette vie simple qui nous prépare à goûter pleinement le retour de l'opulence.

  Pour le plan de votre devoir:
Première partie:
vous êtes maintenant en mesure, grâce à ce qui précède, de cerner le problème auquel le texte propose une solution: comment échapper au cours des événements, à la crainte, aux regrets auxquels le temps destructeur semble nous condamner ; comment échapper aux aléas de la fortune? Le sens du texte apparaît clairement grâce à la détermination des concepts. Par exemple, vie frugale, habitude ...
Deuxième partie: Pas de problème pour l'intérêt du texte. Cet intérêt est universel, dans l'espace et dans le temps (tourné vers tous, il concerne tous les humains). D'ailleurs il suffit de suivre Épicure, de l'expérimenter, pour voir croître ses plaisirs et disparaître l'inquiétude de les perdre.
Troisième partie: enfin, on peut s'interroger. Se suffire à soi même est-ce encore possible dans une société de consommation où prolifèrent les faux besoins et où la liberté de se déplacer n'est rien sans la liberté économique de payer le prix de son déplacement.
Ce texte s'adresse théoriquement à tout être raisonnable sensiblement affecté, pratiquement, ne s'intéresse-t-il pas à un petit nombre?

Pour la conclusion.
Bilan
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La possibilité du bonheur exige que l'on ne dépende pas du cours des événements et que l'on soit conscient de cette indépendance. Pour cela, il suffit, grâce à sa raison et son action, de pulvériser tout ce qui peut troubler l'âme: la peur de perdre l'opulence, le désespoir de la perdre au moment où on la perd, le regret de l'avoir perdue, le désir immodéré et démesuré de la retrouver.
Élargissement. Ne nous étonnons pas si Épicure et Spinoza ont été victimes d'un long et lourd silence: ils ont été maudits par tous les fanatismes car ils situent notre bonheur sur la terre en refusant de faire parler la bouche d'ombre des dieux jaloux ou vengeurs.
Pour Épicure la raison est au principe de la vie heureuse, pour Spinoza ce sera la connaissance. Il n'y a pas de plus grand bonheur que de se suffire à soi même, de penser par soi même dans une liberté partagée avec tous ceux qui pensent et qui goûtent le bonheur de penser.

Épicure, Se suffire à soi même. (Lettre à Ménécée)

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