Thèmes concernés: le phénomène scientifique, théorie
et expérimentation, Concret et abstrait.
Racines:
Le
style de Bachelard n'est pas académique. Dans le monde souvent feutré
et conformiste des philosophes de salons, il tranche par sa vigueur, par
sa verdeur: son oeuvre est une prédication: il envoie
la bonne parole à la face de tous. Sur "le temps", il n'hésite
pas à se mesurer à Bergson, à s'opposer à lui. C'est dire que
Bachelard est avant tout lui même, qu'il ose penser par lui même en réfléchissant
sur la pratique scientifique du début de son siècle. La physique vient
de connaître un bouleversement radical.
On
peut cependant dire qu'il s'inspire très librement de Kant.
Effectivement le savant ne retrouve dans la théorie et dans l'expérimentation
que la théorie qu'il a élaborée. Par ailleurs il retrouve Hegel,
en particulier dans cette affirmation de Hegel: "le concret n'est
tel que par l'abstrait". En un sens toute l'oeuvre de Bachelard est
un commentaire de cette citation. Enfin, notons, pour l'anecdote, que la
fin du Nouvel Esprit Scientifique résonne à l'unisson de l'enthousiasme
bergsonien pour l'évolution créatrice.
Ses travaux sur l'imaginaire doivent beaucoup à Jung et
à sa notion d'inconscient collectif.
Apports:
L'obstacle
épistémologique: ce qui empêche la science d'avancer et qui
tient, paradoxalement, au savoir de l'époque: une sorte d'hérédité
philosophique et linguistique transit ce savoir et empêche l'élan de
l'imagination et donc de l'invention. Il faut donc analyser
(psychanalyser) le savoir qui véhicule des préjugés, des idoles, et
mettre en évidence, pour pouvoir s'en détourner, ce qui, dans le
savoir même, restreint le champ de la recherche, empêche le
questionnement.
La
raison instruit l'expérience car on expérimente avec sa
raison, mais il n'est pas moins vrai que l'expérience instruit la
raison, qu'il y a un effet de l'expérience sur la
raison: la raison n'est donc pas une réalité immuable et souveraine,
elle change en échangeant avec l'expérience.
On trouve là une discussion et un affrontement, quand l'expérimentation
ne réalise pas la prévision de la théorie, ce qui donne un caractère
polémique et erratique à ,la marche de la science.
Autant dire qu'on peut et on doit parler d'un rationalisme
appliqué, d'une interaction de la raison et de l'expérience.
Par
le fait même que d'une part elle dialogue avec l'expérimentation et
que d'autre part, elle doit s'appliquer à l'expérience, à ce que
l'expérience lui enseigne, la raison en expérimentant s'instruit et se
construit par l'expérience même "qu'elle instruit" au sens
d'un juge d'instruction qui pose des questions, la théorie déterminant
ce qu'il est possible de trouver au bout d'une expérimentation.
L'apport essentiel de Bachelard est d'avoir mis en évidence ce caractère
de la raison, le mouvement: la raison sait se transformer pour s'ajuster
à l'expérimentation. Il reste que c'est elle qui détermine l'expérimentation,
selon l'affirmation de Claude Bernard: "On expérimente avec sa
raison".
Maintenant,
lisons ensemble ce texte.
|