Dialogue
entre Oui-oui et le Hibou
Qu'es
aco... ? Demande Oui-oui. Ce terme me hérisse et je n'écoute
plus. C'est spontané!
Hibou:
Disons plutôt, immédiat. Dans ce cas, pourquoi ne pas essayer de
lui donner un sens, une signification en revenant sur chacun des
termes qui le constituent? A la fin du mot tu reconnais le
"logos" de biologie, l'étude de la vie? Que reste-t-il à
comprendre, à prendre ensemble?
Oui-oui:
il reste épistémè, la science que Platon distingue de l'opinion:
ce serait donc l'étude de la science. Je vois que tu veux me faire
perdre mon temps à étudier une étude!
Hibou:
Qu'est-ce qui pourrait t'amener à réfléchir sur une étude, à réfléchir
sur la science par exemple?
Oui-oui:
Rien. Si la science est science, alors revenir sur elle est inutile.
Hibou:
Si la science est science, elle doit avoir un "visage"
pareil dans le temps et universel dans l'espace géographique, un
peu comme La Vérité: alors, pourquoi chercher encore si on sait?
Oui-oui:
Mais tu as les yeux fermés par le soleil! ON CHERCHE
toujours, tu m'as souvent répété que l'ambiance de la science est
le provisoire. Rappelle-toi ces malheureux nourrissons que l'on
secouait après la tétée, parce que le lait agité caillait plus
vite et que le lait caillé se digérait mieux! Les "Pôvres"!!!
Hibou:
Alors si le produit des "savants", le discours de la
science, est provisoire, ne faudrait-il pas s'interroger sur la cohérence
des principes qui le gouvernent; l'ajustement des méthodes à
l'objet étudié et le fondement des déductions, des interprétations
données au résultat d'une enquête?
Oui-oui:
Des exemples!
Hibou:
Parce qu'on
ne peut faire de la physique sans faire de la métaphysique,
tout discours scientifique se fonde sur des principes qui semblent
immédiatement "évident" et qui, bien entendu, ne le sont
pas, ne se voient pas, car ils dépassent (metha) l'observable
(physique): par exemple Galilée substitue au principe de la qualité
celui de la quantité comme te le montrent ces deux affirmations:
-
Alors
que Aristote affirme "Le lourd et le léger sont par nature
et par essence définis l'un par le bas, l'autre par le haut (=
qualité)" - physique VIII, 4, 28
-
Galilée
affirmera que "L'accroissement de la vitesse augmente avec
l'extension du temps."
Oui-oui:
Ah! Galilée savait.
Hibou:
En un sens oui, en un sens non, car si on le suit, alors tous les
astres décrivent des orbites circulaires: c'est le plus simple qui
est vrai!
-
Le
principe interdit la prévision de phénomènes complexes...
comme l'ellipse etc. Il ne faut pas se hâter de dire que le
discours d'Aristote est faux, que le discours de Galilée est
vrai.
-
Chaque
discours doit être rapporté à ses principes: quand il s'agit
d'un savoir, aux différentes conceptions du savoir et de l'étant,
à leur fondement: l'épistémè grecque n'est pas la scientia
du Moyen Âge ni la science contemporaine.
-
La
cohérence ne se déroule qu'à l'intérieur d'une époque car,
à chaque époque, le savoir a une manière propre de
s'articuler: par exemple à la Renaissance, le savoir tient sa
rigueur du concept de ressemblance.
Alors,
comprendre Aristote c'est rattacher le discours d'Aristote à
l'explication de l'étant propre à l'épistémè de l'époque.
Oui-oui:
il n'y aurait pas de vérité absolue, un peu comme dans les géométries.
Hibou:
Les conceptions d'Aristote et de Galilée ne diffèrent donc pas par
le "degré", mais par les points de vue premiers dont
elles sont déduites.
-
C'est
comparable à un discours hypothético-déductif, du genre
SI ... ALORS ..., qui garde toute sa valeur pour celui qui
reste dans le même domaine des définitions premières, avec
cette différence qu'Aristote et Galilée cherchent plus que la
vérité formelle, une adéquation de leur discours à la réalité.
-
Par
exemple, la géométrie d'Euclide ne relève pas de la Vérité
mais de la cohérence des déductions avec le point de départ:
une fois admis ce qu'elle postule, les déductions rigoureuses
deviennent "vraies" au sens où elles s'imposent par
tautologie , tant qu'on ne change pas les points de départ
(actuellement on parlerait d'axiomatique) admis.
-
Elles
deviendraient fausses ou vides de sens si on admettait le
point de départ de Lobatchevski ou de Riemann, si on les référait
à un autre système de propositions premières.
Oui-oui:
Et pour l'ajustement des méthodes à l'objet?
Hibou:
Pour l'ajustement des méthodes à l'objet étudié, on s'interroge:
-
par
exemple, sur l'application du quantitatif à l'homme, à une
existence, une subjectivité, dans la mesure où on ne peut
mesurer que ce qui est dans l'espace, car mesurer, comme le
remarque Bergson, consiste bien à comparer deux espaces.
-
Ou
encore les méthodes de la biologie, les problèmes méthodologiques
des sciences de la vie: quel est leur objet, la vie ou le système
vivant? Peut-on expliquer par des processus physico-chimiques
antécédents, sans tenir compte de la finalité du système
vivant, une sorte de projet: se nourrir et se reproduire?
Oui-oui:
Je comprends pourquoi "L'incertitude
économique" de Pierre Monfraix trouve sa place dans
la rubrique ÉPISTÉMOLOGIE.
Ai-je bien compris? L'épistémologie c'est la réflexion (le retour
sur) critique (qui s'efforce d'utiliser la raison pour séparer le
cohérent et l'incohérent) sur la science.
Hibou:
exactement, c'est toi qui l'a dit ... selon le terme français, du
moins.
Oui-oui:
Quoi! serait-ce, oiseau de nuit, que l'Anglais dirait autre chose?
Hibou:
"epistémology" correspond au français "gnoséologie"
comme théorie de la connaissance en général.
Epistemology:... Which investigates the origin, structures, methods
and validity of knowledge (Runes, Dict of philosophy). C'est bien un
monde de sens que fait jaillir une langue.
Oui-oui:
Que vas-tu choisir? A qui vas-tu donner raison?
Hibou:
Aux deux; pour cette rubrique de Philagora que nous dédions d'abord
à ceux qui préparent une carrière scientifique, nous suivrons la
définition de Van Riet: "Établir les conditions, la valeur et
les limites de la connaissance humaine", ce
qui nous permettra, aussi de nous interroger sur la métaphysique...
Oui-oui:
Ah, je vois, ou plutôt je comprends, les agrégatifs... Mais tu me
dis souvent que le livre est irremplaçable pour accéder à la
culture. Que me conseilles-tu de lire?
Hibou: Tout d'abord:
-
chez
Magnard, qui souvent a 15 ans d'avance, dans la collection
philosophie critique, LA SCIENCE, Epistémologie générale
de Bartholy, Despin, Grandpierre: une suite de cours
illustrés de très nombreux textes. Un livre engagé qui ne
cache pas son engagement.
-
Puis
l'incontournable livre de Robert Blanché: L'Epistémologie, PUF.
1972
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