S’il fallait en
juger d'après la place actuellement accordée en France à
l'histoire des sciences tant dans l'enseignement généraliste
secondaire que dans l'enseignement spécialisé et élitiste des
Grandes Écoles, ou encore dans l'enseignement universitaire, la réponse
à la question posée dans le titre de cet article serait bien
simple: l'histoire des sciences et des techniques ne sert à peu près
à rien. Elle se réduirait, dans la mémoire collective, à un
Archimède courant tout nu en criant un mot grec, à un Newton
asticoté dans ses méditations par la chute d'une pomme, à un
Bernard Palissy, incorrigible brûleur de meubles, à un Pasteur
anxieux après les piqûres injectées au jeune alsacien Joseph
malencontreusement mordu par un chien... et à la belle tête échevelée
et chenue d'Albert Einstein tirant la langue aux photographes !
Telle
est, à peine caricaturée, la situation en France aujourd'hui, de
l'histoire des sciences. Et cette situation pourtant diagnostiquée
(1), réprouvée, et amendée sans succès par des propositions variées,
perdure depuis si longtemps... depuis au moins Auguste Comte, en
passant par Paul Tannery et Paul Langevin.
Or, à
nouveau, depuis quelques mois, à l'occasion de diverses commissions
pédagogiques employées à repenser des programmes secondaires,
notamment pour les classes dites littéraires et aussi bien en
histoire qu'en mathématiques, un intérêt soutenu pour l'histoire
des sciences et des techniques semble refaire surface et même
pouvoir bénéficier d'une intégration officielle, sans laquelle
rien ne bouge dans le monde éducatif français. Par ailleurs, en
aval, dans les deux premières années des Facultés des Sciences,
presque partout en France, une option histoire des sciences, agrémentée
d'une coloration épistémologique, est très largement suivie par
les étudiants depuis cinq à six ans. En outre, la création récente,
au début de 1980, de la Société Française d'Histoire des
Sciences et des Techniques (2) a pu donner une assise et une
audience plus larges à des groupements plus anciens. Sans parler de
la vitalité des groupes scientifiques spécialisés pour développer
l'histoire de leur propre discipline. Bref, l'histoire des sciences
est dans l'air du temps, ce que consacrera sans doute le Musée des
Sciences dont l'édification grandiose est prévue sur l'emplacement
des abattoirs de la Villette.
1)Voir, par exemple, F.
Russo, "L’histoire des sciences et son avenir "
Etudes, décembre 1967.
2) 12, rue Colbert Paris II. Cette société édite, tous les
trimestres environ un Bulletin et organise des colloques. Les deux
premiers ont porté sur l’enseignement de l’histoire des
sciences aux scientifiques et aux historiens, le suivant
s’adressera aux philosophes
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