Le coup
de maître de Von Frisch vient de ce qu'il dispose, par
exemple, à un endroit donné une coupelle remplie des
substances recherchées il en induit à l'avance la forme
et la qualité de la danse de l'abeille qui a repéré le
"trésor". Et s'il éloigne le récipient, il
sait (sans avoir à les noter) les différences
informationnelles qui en résultent ; il dessine le manège
annonciateur, On en a vérifié l'exactitude. Inversement,
s'il examine attentivement les danses de la ruche, il sait
où les abeilles vont toutes se précipiter. Mais que de
subtilités dans le message et dans son déchiffrement
Nous ne nous y étendrons pas. Mentionnons que Von Frisch
va jusqu'à prévoir " les fautes de communication
" qu'il comporte. En effet, comment la découvreuse
a-t-elle pu mesurer l'espace qu'elle
a parcouru ? Von Frisch a calculé que lorsqu'elle lutte
contre le vent qui la ralentit, elle signale une distance
plus grande que celle qu'elle donne par temps calme. De même,
à l'opposé, si la tempête l'a aidée à se déplacer,
elle raccourcit le chemin, Il s'ensuit donc qu'elle apprécie
l'éloignement en fonction du temps qu'elle met à rallier
l'objectif convoité, Elle estime l'étendue grâce à une
sorte d'horloge cénesthésique ou encore elle mesure
l'espace par du temps (quasi intérieur). Von Frisch a
encore détecté le code de ses travailleuses lorsqu'elles
doivent opérer en l'absence du soleil, dans une relative
pénombre. Comment échanger sans voir et sans lumière ?
Enfin, la sentinelle qui alerte sait trier les
informations utiles:
elle décourage les expéditions trop lointaines. Autant
elle précise les butins assez proches, autant elle prévient
des trop aventureux : " Pour cent mètres, l'abeille
parcourt neuf à dix fois en quinze secondes la partie
rectiligne du circuit, pour cinq cents-mètres environ six
fois, pour mille quatre à cinq fois [...] toujours dans
le même temps" (19).
Les vivants sont donc soudés entre eux, à l'intérieur
de groupes cohérents. Nous ne pouvons pas ne pas ajouter
que la vraie " régulation " relève plus
d'ailleurs de la colonie que de l'individu seul:
celui-ci, finalement, n'existe pas et même sa sexualité
est d'abord répartie sur tous, passe à travers ce tout,
notamment en ce qui concerne la ruche.
Si l'étude des liens entre les semblables forme l'éthologie
dont nous avons exposé la méthodologie de plus en plus
interventionniste et non plus passéiste (l'observation),
celle des relations entre les organismes voisins introduit
à l'écologie. Essayons de dégager "tous les types
d'association" que les individus contractent ou aménagent
un large inventaire -, ainsi que les méthodes de vérification
de ces pactes tacites. Transformons au plus vite la
biologie en une logique des interrelations !
1) Dans
le parasitisme l'un des vivants soustrait sa propre
nourriture à un hôte qu'il se garde bien de tuer: cette
installation de l'un dans ou sur l'autre peut d'ailleurs
revêtir bien des aspects, ou temporaire comme celle d'un
insecte piqueur qui extrait le sang de celui sur lequel il
se pose seulement, ou permanente comme celle du ver
solitaire solidement implanté.
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