Rubrique Épistémologie

Rubrique épistémologie

Épistémologie: les conditions, la valeur, les limites de la connaissance humaine

François Dagognet

Réflexions épistémologiques sur la vie et le vivant

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  La perspective éthologique: les liens entre les vivants.

L'organique, en tant que tel, n'existe pas il ne se développe lui-même qu'à 1' intérieur d'une colonie ; et celle-ci, à son tour, ne prend sens que parmi d'autres groupes ou à leur intérieur, hostiles ou alliés. L'être est donc entouré d'au moins deux cercles : celui de ses semblables et celui de ses voisins. La science du vivant se transforme aussitôt en une discipline qui devra étudier les nombreuses interrelations dans ou entre ces communautés.

Pour la compréhension des vivants nous devons aborder la question des liens de fait qui les unissent sur le terrain, tant ceux de complémentarité que d'opposition. Les uns et les autres nous donneront des lumières sur le vivant. Le biologiste se préoccupera d'abord - il le doit - de la manière dont les membres d'une même famille échangent entre eux. On ne sera pas surpris qu'il accorde une extrême importance à la méthode dite des leurres:
avec elle, déjà, on renonce à ce qui a tant retardé et compromis la science du vivant, aussi bien le récit plus ou moins légendaire que l'observation monographique minutieuse, au profit de manipulations décisives, irréfutables.

L'école moderne, soucieuse des communications, l'éthologie renouvelée par les Karl Von Frisch, Konrad Lorenz, Nikolaas Tinbergen, dépasse la description au profit d'habiles manoeuvres. Ainsi Tinbergen a noté que les épinoches mâles, au printemps, se livraient à d'âpres batailles entre eux (une vive concurrence sexuelle). Or, ces petits poissons, de couleur habituellement brun terne, se signaleraient brusquement les uns aux autres par la teinte rouge tant de leur gorge que de leur abdomen. Est-ce à partir de ce changement que les nouveaux ennemis se repèrent (la reconnaissance automatique des formes) '? " On peut, semble-t-il, considérer comme probable, écrit Tinbergen, que la couleur rouge est le stimulus le plus important. La chose a été vérifiée de la manière suivante. On présente à un certain nombre de mâles des épinoches factices. Quelques-unes de celles-ci n'étaient que de grossières imitations, chez lesquelles manquaient de nombreux caractères propres à l'espèce ou même aux poissons en général, mais ayant le ventre rouge (série R). D'autres étaient des imitations minutieuses d'épinoches, mais sans couleur rouge (série N). Les mâles attaquaient le premier groupe avec plus de vigueur que le second " (18). Cette modeste ruse discriminatoire ou cette expérimentation oblige d'abord à écarter l'interprétation trop globaliste du message que philosophes et psychologues affectionnent. La sensation qui informe l'adversaire passe par un déclic. Plus et pis, le poisson ne poursuit pas le double, le semblable (artificiel) qu'on lui offre: il ne lutte que contre la seule couleur, même portée par une surface informe. Le biologiste tient à savoir comment les proches se retrouvent, ou bien contrôlent leur territoire, ou bien surveillent l'approche de leurs rivaux. Tinbergen a découvert ici l'instrument ponctuel et aveugle tant de l'identification que de l'éventuel appel (l'attirance). Il joue rapidement et même automatiquement. Il va de soi que ce biologiste des télécommunications va nous pourvoir en moyens de tromper les animaux ; on saura dénaturer ou intercepter leurs signaux : la lutte biologique l'emporte en efficacité sur la chimique, qui, de plus, essaime les nuisances. A malin, malin et demi On s'empare de la clé des crypto-échanges: la recherche éthologique se solde donc ici par d'utiles applications.

Une autre méthode, celle des variations concomitantes utilisée par Karl Von Frisch, lui a permis d'aller plus loin et de décrypter les renseignements précis que les abeilles se transmettent vite entre elles : non plus le recours à des leurres, mais une manipulation cependant et la mise à jour d'un parallélisme entre " le gestuel" et la " situation ", une correspondance spatio-corporelle. Von Frisch, en un mot, a traduit la danse des abeilles qu'il observa de près à travers une ruchette vitrée. Elle comportait au moins trois variables, 
a) La butineuse, qui vient de découvrir une source de sucre, effectue des mouvements rotatoires sur les rayons de miel, en forme de larges 8 : la ligne centrale entre les deux boucles indiquerait la direction à prendre, par rapport au soleil toujours pris comme référent, afin de retrouver les fleurs, 
b) L'intensité du frétillement exprime la distance de l'emplacement, 
c) Pour savoir enfin quel arbre ou quelle fleur les pourvoyeuses devront récolter, l'éclaireur a transporté un peu du parfum ou du nectar, qui adhère à son abdomen, et que respirent ses congénères. À l'aide de ces trois indices, l'essaim s'envole et se ravitaille.

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