Introduction
POUR
PLUSIEURS RAISONS fondamentales, le vivant concerne le
philosophe, qui doit s'efforcer de le penser en tant que
tel. Qu'est-ce qui justifie cette prétention ?
1) D'abord, nul ne niera que l'organisme définit un système
complexe: on ne peut ni l'analyser simplement (la décomposition
ordinaire) ni même procéder sur lui à des manipulations
trop aventureuses. Son appréhension suppose l'obligation
préalable de recourir à une méthodologie subtile. En
effet, si on ne sépare pas ce qui est relié et même
fusionné, on ne connaîtra rien des liens ainsi tissés,
mais si on les coupe, outre qu'on risque de les dilacérer,
on a brisé ce qu'on voulait saisir - les fonctions et les
influences réciproques. Comment les savants ont-ils résolu
cette vraie " quadrature du cercle"?
2) Nous nous appuierons donc sur la science biologique, la
révélation majeure de l'être corporel, mais nous
devrons toujours la déborder. Celle-ci a d'ailleurs subi
de telles révolutions qu'on ne la reconnaît plus. Elle a
dû renoncer à son phénoménisme séculaire, la
description des manifestations dites naturelles, afin
d'entrer carrément dans le sanctuaire même de la vie. Il
en résulte que, jusqu'à ce jour, on devait en quelque
sorte subir la vie on
la respectait et on s'efforçait d'en bénéficier. Mais
l'heure a sonné des' interroger sur cette soumission:
on peut, on sait modifier la vie ou la manipuler.
Aussi, le vrai problème posé par la vie et le vivant relève-t-il
de la réflexion morale : quelle attitude prendre 7
Faut-il fixer des limites à Prométhée ? Jouera-t-on les
apprentis sorciers ? Que permettre et empêchera-t-on
quelques prouesses de laboratoire 7 Pourquoi et au nom de
quels dangers? Jusqu'où aller? Ces interrogations dépassent
le cadre d'une science expérimentale, d'où l'importance
de la bioéthique.
Puisque, décidément, selon notre thèse, le vivant
semble relever de la réflexion philosophique qui,
d'ailleurs, l'a toujours mis au coeur de ses développements,
il nous a semblé inévitable et même souhaitable de
commencer par rappeler quelques unes de ses interrogations
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