Rubrique Épistémologie

Rubrique épistémologie

Épistémologie: les conditions, la valeur, les limites de la connaissance humaine

François Dagognet

Réflexions épistémologiques sur la vie et le vivant

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  Essai d'une définition du vivant (suite 2)

Lamarck multiplie les illustrations ou les témoignages en faveur de cette vitalité ingénieuse la fonction crée l'organe à la longue. La nature se borne à une sédimentation. Elle est partie de Ultra-rudimentaire, puis, peu à peu, elle a régulièrement empilé les " strates s> d'une organologie qui s'est complexifiée (composition additive et graduée). Ici encore, nous ne conservons que la conclusion: le vivant comme résultante d'un dynamisme, d'un travail quasi pulsionnel (les besoins, l'adaptation) et qui transmet ses victoires.

3) La culture tendrait à voiler l'évidence salubre d'une vie prodigue, écrit Georges Bataille : en effet, la bourgeoisie industrielle nous conduirait à en limiter la portée. Non seulement elle a remplacé l'aristocratie et supprimé les fêtes somptuaires, autant que spectaculaires, mais surtout elle met en avant l'économie de profit, l'acquisition à meilleur coût, l'accumulation, l'épargne. Elle écarte de notre vue, comme de la sienne, la dépense folle, les excès, le désordre même ; elle éloigne les représentations orgiaques elle chasse ce qui évoque l'exubérance ou la démesure.

Elle a beau partout neutraliser et atrophier, le vivant harcèle son idéologie productiviste par son effervescence même : il exsude et il détruit. Georges Bataille discerne même dans la croissance et la reproduction des preuves ou des symptômes de cet excédent: le veau s'acharnerait à gaspiller l'énergie reçue. Si l'éleveur réussit à le maintenir couché, le volume du veau en bénéficie: l'économie se retrouve sous forme de graisse. Si le veau n'est pas tué, le moment vient où la croissance ralentie ne consomme plus la totalité d'un excédent accru : il parvient dès lors à la maturité sexuelle ses forces vives sont principalement vouées à la turbulence du taureau dans le cas d'un mâle, à la grossesse et à la production de lait dans celui d'une femelle. La reproduction signifie en un sens le passage de la croissance individuelle à celle d'un groupe. Si l'on châtre le mâle, son volume individuel augmente de nouveau pour un temps et l'on tire de lui des sommes de travail considérables (8). Ainsi le développement et surtout la sexualité, au coeur du vivant, représentent comme de larges canaux où se répand l'énergie: la vie se doit de bouillonner. Non seulement elle reçoit, mais elle vise à absorber beaucoup plus qu'il n'en fallait. Les arbres multiplieraient leurs feuilles, avides de lumière, de tous côtés. lien résultera même la mort, parce qu'il faudra laisser la place aux nouveaux arrivants impatients et qui pressent (explosions et tourbillons). Le vivant se signale donc par ses allées et venues incessantes, son avidité, la guerre, ses sacrifices, le surnuméraire, le luxe et ses parades. Ne l'enfermons pas dans nos cadres ou nos concepts qu'il déborde d'ailleurs ne s'est-il pas emparé des airs et des eaux ? Partout il triomphe et il éclate.

Dans son livre, L'Érotisme, Georges Bataille lie solidement la sexualité, la fusion extatique, le gaspillage, la mort, le don "Le spermatozoïde et l'ovule, écrit-il, sont à l'état élémentaire des êtres discontinus, mais ils s' unissent [...]. Le nouvel être est lui-même discontinu, mais il porte en lui le passage à la continuité, la fusion, mortelle pour chacun d'eux, des deux êtres distincts [...]. L'action décisive est la mise à nu. La nudité s'oppose à l'état fermé, c'est-à-dire à l'état d'existence discontinue. C'est un état de communication, qui révèle la quête d'une continuité possible de l'être au-delà du repli sur soi. Les corps s'ouvrent à la continuité" (9).

La dissolution des formes, la profusion et même la transgression l'emportent ainsi sur la dépense et la violence. On ne saurait nier l'acuité de ces analyses mais Georges Bataille a transformé, croyons-nous, quelques données en principes. Nous tenterons de dépasser ce "qualitatif" qu'on a majoré et si bien pathétisé. Il faut tout prendre en considération et ne pas s'en tenir aux seules arêtes du phénoménal.
Les anthropologues, les naturalistes et les premiers physiologistes nous ont orientés vers une théorie de la vie surabondante, inventive et même insaisissable. Plus tard, on amplifiera encore la thèse avec l'élan vital. Et la vitalité signifiera l'inépuisable et la profusion. Nous ne méconnaissons pas l'originalité ni l'intérêt de cette perspective mais nous ne saurions y souscrire. Nous la combattons même.

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