Rubrique Épistémologie

Rubrique épistémologie

Épistémologie: les conditions, la valeur, les limites de la connaissance humaine

François Dagognet

Réflexions épistémologiques sur la vie et le vivant

PLAN et  pages : 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 10 - 11 1213 14 15 16 17 - 18 - 19 
 
Bibliographie )

Site Philagora, tous droits réservés

_____________________________________

  Essai d'une définition du vivant

L'existence du biologique pose immédiatement problème : à la fois matière et non simplement matière, assemblage de fragments mais aussi bien totalité indivisible, spontanéité, où l'on discerne toutefois des automatismes, identique à elle-même encore qu'en perpétuel changement, asservie à des lois et à de fermes principes, mais caractérisée par sa singularité, à la fois un "dehors" et un "dedans". On n'en finirait pas d'examiner les paradoxes ou les propriétés antinomiques qui conviennent au corps, l'énigme majeure.

C'est bien pourquoi toute philosophie a dû le rencontrer et s'en est inspirée. Il relève autant de la science qui l'analyse que de la métabiologie qui vise à le comprendre. Nous nous opposerons d'un bout à l'autre à ce que nous nommons "le romantisme ", une approche trop vitaliste de la vie, qui en célèbre la puissance, sans tomber dans l'excès contraire, le réductionnisme. L'homme aime tellement la vie qu'il l'a justement magnifiée. Il rêve sur elle, il grossit certaines de ses manifestations.

1) Ainsi on a vanté son abondance, sa prodigalité. La vie frappe d'ailleurs par son étourdissante multiplicité. La plupart de nos naturalistes s'y sont laissés prendre : ils ont conçu le vivant comme l'inépuisable, l'insolite, voire le fabuleux. Ces observateurs méticuleux et inspirés ont surtout pullulé eux-mêmes au XVIIIè siècle: la vague anti-cartésienne qui déferle les a favorisés, sinon induits. Ce n'est pas un hasard si la plupart d'entre eux appartiennent à la classe sacerdotale et ont écrit parallèlement sur la théologie. La physique rationnelle, voire géométrisante, aboutissait trop à un quasi-nécessitarisme, une forme de spinozisme si Dieu respecte seulement les lois d'une logique naturelle, on peut alors ne plus recourir à lui et éliminer la création en tant que telle.

Afin de combattre ou du moins d'empêcher ce dangereux dévoiement, nos abbés s'émerveillent
d'un univers rempli de prodiges : le monde physique en abrite les curiosités, mais surtout la multitude des êtres animés. Observons vite et mieux même les plus démunis, les pucerons, les insectes, les limaçons, les vers. Contemplons le théâtre de leurs drames, de leurs exploits, de leurs métamorphoses. Par là, on croit mettre en échec le mécanisme stricto sensu, donc rétablir le Ciel dans ses prérogatives : il nous donne un monde inépuisable et merveilleux. Ainsi l'examen le plus minime ou le plus objectif ne relève pas de la seule inspection, mais est lui-même inspiré par un dessein théologico-politique. Autre motif à l'admiration:
l'exotisme, l'entrée en Europe de plantes et de bêtes multiples, qui déroutent les lignes de notre familiarité et nous valent des " spécimens " assez étonnants. On est alors ébloui par la munificence ou l'atypique ou encore le fantastique (le poisson volant, le lion marin, etc.). On ne négligera donc pas l'importance des expéditions, des longs voyages qui élargissent notre horizon : Linné en Laponie, Tournefort au Levant, Adanson au Sénégal.

2) Une science moins simplement descriptive, la physiologie, allait s'engager, vers la fin de ce même XVIII' siècle, dans la brèche ainsi ouverte:
loin d'observer seulement, elle travaillait à révéler les potentialités cachées dans les fibres et les tissus. Deux noms au moins - parmi les fondateurs - méritent d'être mentionnés : sur des bases nouvelles, ils célébreront la vitalité. Nous faisons entièrement nôtre la belle remarque de Georges Canguilhem, selon laquelle l'époque se prêtait autant à cette philosophie qu'à cette fine expérimentation : la société elle-même s'invente et se révolutionne ; rien ne résiste donc au vouloir, sinon même à la spontanéité, de là aussi, par contrecoup, un vitalisme militant et même triomphant qui discerne, au fond de nous-mêmes, énergie et forces (1).

PLAN pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 10 - 11 1213 14 15 16 17 - 18 - 19 

Infogerance hebergement serveurs haut debit