Une
chaîne peptidique se forme par élimination d'une molécule d'eau
entre les fonctions amines et acides carboxyliques des acides aminés.
La chimie des peptides offre toute une panoplie d'agents
d'activation utilisés pour condenser les acides aminés dans les
solvants organiques. Dans l'eau, le nombre des agents de
condensation est beaucoup plus limité, surtout lorsque l'on ne
retient que les agents ayant pu être présents sur la Terre
primitive. Des chercheurs japonais ont fait passer en circuit fermé
une solution de glycine et de chlorure de cuivre d'une chambre de réaction
portée à 220 0C et 200 bars à une chambre maintenue à O 0C et
200 bars pour mimer les conditions de trempe thermique qui règnent
à proximité des sources chaudes sous-marines. Ils ont pu ainsi
polymériser la glycine jusqu'au stade de l'hexamère. À 220 0C, en
absence de trempe thermique, on observe que la décomposition
chimique de l'acide aminé. Le chimiste américain James Ferris a
obtenu de longues chaînes peptidiques de 55 acides aminés en présence
d'illite, une argile particulière.
Dans notre équipe à Orléans, nous avons montré que l'eau, par
ses propriétés chimiques, oriente la réaction de polymérisation
et permet la sélection des acides aminés protéiques. Dans les
protéines, la chaîne peptidique adopte essentiellement deux géométries
rigides, l'hélice a et le feuillet 3. L'hélice a est à
enroulement droit et elle est stabilisée par des liaisons hydrogène
qui s'établissent à l'intérieur d'une même chaîne. Les
feuillets f3 résultent de l'association de plusieurs chaînes reliées
par des liaisons hydrogène. Les hélices c~ sont faciles à
obtenir: il suffit de prendre un acide aminé hydrophile (soluble
dans l'eau car il porte une fonction ionisable sur la chaîne latérale)
et un acide aminé hydrophobe (très peu soluble dans l'eau) et de
les polymériser sans se préoccuper de l'ordre d'enchaînement.
Lorsque les chaînes sont suffisamment longues, une vingtaine
d'acides aminés environ, elles adoptent dans l'eau la conformation
en hélice a. Par contre, les polypeptides construits sur une
alternance stricte d'acides aminés hydrophiles et hydrophobes
adoptent tous une structure à feuillet 3 dans l'eau par agrégation
des groupes hydrophobes. Lorsque l'on ajoute de l'alcool à l'eau,
la force des interactions hydrophobes qui génèrent les feuillets
f3 s'atténue et le polypeptide adopte alors une conformation hélicoïdale
cx. C'est donc l'eau qui, par ses propriétés physiques spécifiques,
permet la structuration en feuillets f3. Les polypeptides à séquence
alternée, capables de ce fait de prendre la géométrie 3, présentent
une bonne stabilité chimique. Dans les mêmes conditions expérimentales,
les chaînes renfermant les mêmes acides aminés liés dans le désordre
sont dégradées beaucoup plus facilement. La dégradation est donc
sélective. Elle a peut-être permis la sélection de séquences
alternées, plus résistantes, contribuant ainsi à restreindre la
complexité chimique au cours de l'évolution. La formation de
feuillets f3 requiert l'utilisation d'acides aminés de même
configuration, tous L ou tous D. Lorsque les séquences alternées
renferment à la fois des énantiomères L et D distribués au
hasard le long des chaînes, seuls les segments contenant au moins
six acides aminés L (ou D) consécutifs s'agrègent en îlots f3,
optiquement purs. De nombreux peptides courts et certains
polypeptides simples manifestent une activité catalytique, c'est-à-dire
qu'ils sont capables d'accélérer certaines réactions chimiques.
Par exemple, nous avons montré que les peptides basiques courts ne
renfermant que deux acides aminés différents coupent les acides
ribonucléiques.
Un monde d'ARN
Dans
les années quatre-vingt, le biologiste américain Thomas Cech découvrit
que certains ARN étaient capables non seulement de véhiculer
l'information mais aussi d'exercer une activité catalytique à
l'instar des enzymes protéiques. Très vite se développa l'idée
d'un monde d'ARN berceau de la vie sur Terre. Le monde de l'ARLN a
constitué vraisemblablement un épisode dans l'histoire de la vie.
Des travaux remarquables menés par les équipes des biologistes américains
Gerald Joyce et Jack Szostak montrent que l'évolution dirigée in
vitro d'un ribozyme permet d'isolerdes ribozymes mimant, ou presque,
les enzymes protéiques. La démonstration récente que l'étape clé
de la formation de la liaison peptidique au cours de la biosynthèse
des protéines est réalisée par catalyse de 1'ARN sans
intervention quelconque d'un acide aminé confirme l'existence
probable d'un monde d'ARN ancestral. Reste maintenant à expliquer la
formation prébiotique de 1' ARN. Il est raisonnable de penser que
l'émergence du monde de l'ARN a été préparée par des systèmes
catalytiques qui restent à découvrir.
Vers
la
page suivante : Rechercher une vie proche de la vie
terrestre au-delà de la Terre. La planète Mars
|