Introduction
DES TETES SANS
JAMBES, des jambes sans têtes, des bras, des torses, jonchaient
autrefois la surface de la Terre. Un jour, par hasard, tous les éléments
nécessaires à la constitution d'un être humain se rencontrèrent
et s'auto-organisèrent. Ainsi naquit, selon Empédocle, le premier
être vivant. L'image d'Empédocle peut être transposée au niveau
moléculaire il y a environ quatre milliards d'années, un certain
nombre de molécules s'auto-organisèrent dans l'eau des océans et
formèrent des structures chimiques, sortes d'automates chimiques
capables d'assembler d'autres molécules pour générer des
structures à leur image, produisant ainsi plus d'eux-mêmes par
eux-mêmes. Par suite de légères erreurs de montage, des
structures plus aptes à se reproduire apparurent et devinrent les
espèces dominantes. C'est le secret de ces automates chimiques
primordiaux que les chimistes cherchent à percer en essayant de les
reconstituer en tube à essais. Pour cela, ils se tournent vers les
paléontologues qui traquent les fossiles de ces automates dans les
sédiments terrestres très anciens.
Les chances de succès des tentatives de reconstitution chimique
vont, bien évidemment, dépendre du degré de complexité des
automates terrestres primordiaux. S'ils ne nécessitèrent que
quelques pièces, d'autres automates sont susceptibles d'apparaître
sur d'autres planètes, là où les ingrédients sont présents.
Inversement, le fait de découvrir des automates sur une autre planète
serait un indice fort quant à la simplicité des automates
terrestres primitifs.
Rechercher
des formes fossilisées de la vie terrestre primitive.
Des fossiles
filamenteux vieux de 3,235 milliards d'années provenant
vraisemblablement de bactéries thermophiles, c'est-à-dire ayant vécu
à des températures de 30 à 80° C près de sources
hydrothermales, ont été découverts dans la ceinture de roches
vertes de Pilbara au nord-ouest de l'Australie. Ces bactéries ont
été fossilisées dans des dépôts de jaspe formés à environ
mille mètres de profondeur. A cette profondeur, les organismes
devaient être des systèmes anaérobies qui tiraient l'énergie et
les éléments nutritifs des composés chimiques présents dans le
fluide hydrothermal. Ils y étaient protégés du rayonnement
solaire délétère qui inondait la surface de la Terre pendant
l'Archéen inférieur en l'absence de couche protectrice d'ozone.
Les micro-organismes fossiles les plus anciens proviennent de dépôts
en eau peu profonde. Ils ont été découverts en Australie (Pilbara)
dans les stromatolithes fossilisés et en Afrique du Sud (ceinture
de roches vertes de Barberton). Ils sont vieux de 3,4 à 3,5
milliards d'années. Il semble qu'à cette époque la vie
microbienne était déjà diversifiée (onze variétés différentes
ont été découvertes dans les sédiments australiens) et peut-être
déjà photo-synthétique. Les roches sédimentaires les plus
anciennes ont été trouvées au sud-ouest du Groenland. Les sédiments
d'Isua datent de 3,8 milliards d'années ceux d'Akilia de 3,85
milliards d'années. Ils témoignent de la présence permanent d'eau
liquide, de gaz carbonique dans l'atmosphère et renferment des kérogènes,
molécules organiques complexes. L'enrichissement en isotope 12 du
carbone des kérogènes est troublant et pourrait témoigner d'une
origine biologique. En effet, le carbone comprend deux isotopes
stables, 12C et 13C. La transformation
par les plantes et les micro-organismes du carbone "minéral"
(dioxyde de carbone ou carbonates) en carbone "organique"
privilégie systématiquement l'isotope 12 du carbone. C'est ainsi
que le rapport 12C/13C passe de 89 pour un
carbonate non biologique de référence à environ 92 pour les systèmes
vivants.
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