° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frLa critique de John Rawls par Robert Nozick dans «Anarchie, État et utopie» Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - notes Philagora tous droits réservés __________________ II - Critiques de la critique de Robert Nozick. Le travail de Nozick a donné lieu à de nombreux commentaires critiques. Nous présenterons ici la réponse que Rawls a apporté à ce travail (A), puis nous étudierons plus brièvement la critique d'un auteur américain Kauka (B) et celle de Wolff (C). A) John Rawls, dans son ouvrage intitulé « Libéralisme politique » répond aux critiques libertariennes de Robert Nozick. Cette doctrine lui apparaît faible sur trois points au moins qu'il se contente de recenser :
Ce dernier représente en effet la structure de base de la société. Or écrit-il : « Tout le monde reconnaît que la forme institutionnelle de la société affecte ses membres et détermine pour une large part le genre de personnes qu'ils sont ».(42) En d'autres termes, l'État doit montrer l'exemple. Il se doit de n'être pas indifférent au sort du plus démuni. Il doit mettre en oeuvre des institutions sociales afin de corriger les inégalités de la vie. Il doit oeuvrer pour une véritable solidarité. En agissant ainsi, il fait en sorte non seulement, selon Rawls, de former des individus autres, qui seront ensuite en mesure d'avoir de la compassion pour autrui ; mais de plus, il pourra - de proche en proche - donner une impulsion à toutes les autres structures communautaires de la société qui dépendent toutes, de manière directe ou indirecte, de son action et des lois qu'il édicte. - Enfin concernant la question importante du conflit des libertés et celle de l'utilisation implicite de certains individus par la société, ainsi que de leurs talents, Rawls paraît reconnaître les risques d'abus possibles. Cependant, il précise que pour lui le premier principe de liberté, qui est au coeur de sa théorie de justice et qui doit primer sur tous les autres, suffit à préserver sa doctrine de toute tentation totalitaire ou utilitariste (43). B) Un autre auteur américain G.S. Kauka a proposé une autre interprétation critique de Nozick.
Selon, lui, cette acquisition ne pourra être jugée comme telle qu'à partir de règles. Or ces règles de répartition seront nécessairement susceptibles d'interprétation. Il faudra faire appel à des professionnels et les meilleurs d'entre eux seront souvent tentés de travailler pour les riches plutôt que pour les pauvres. Le déséquilibre dans l'application même de ces règles jouera donc en la défaveur des seconds qui pourront perdre ainsi le peu de protection dont ils disposaient. De plus ces règles seront édictées par un État qui ne sera pas lui même totalement indifférent ou impartial. Ces règles édictées par la collectivité, seront déjà en elles-mêmes une intervention qui privilégiera nécessairement des groupes sociaux au détriment d'autres moins favorisés qui seront une nouvelle fois pénalisés. - Enfin et reprenant l'exemple de Chamberlain, Kauka rappelle que ce dernier ne devra pas sa réussite à son seul talent. Il aura réussi car il se trouvera dans un Etat qui garantit la paix et permettra de ce fait aux citoyens de se rendre dans les stades. Ces mêmes citoyens seront ce qu'ils sont car ils auront été dans des écoles publiques de qualité. Le succès ou le talent du grand sportif ne dépendra peut-être pas de ses seules qualités. Il aura sans doute également été favorisé par l'action d'un État intervenant nécessairement pour favoriser le sport, permettre à de jeunes élites de s'épanouir, etc..(44). C) Une troisième critique de la démarche nozickéenne a été proposée. Elle repose sur la
conception que les libertariens et Nozick peuvent avoir de l'entraide
sociale. Celle-ci pour Nozick devrait être spontanée. Or, comme le
souligne Wolff une telle vision est irréaliste. Quant aux systèmes d'assurances privées qui devraient suppléer aux interventions étatiques, ils ne sont pas toujours, comme le note notre auteur, adaptés aux cas les plus difficiles car les assureurs finissent souvent par refuser de prendre en charge les plus malades et les plus démunis. Vers: III - Conclusions et synthèses personnelles de la critique de Nozick (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |