° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frLa critique de John Rawls par Robert Nozick dans «Anarchie, État et utopie» Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11- Notes Philagora tous droits réservés __________________ b) En second lieu, c'est l'injustice même de la thèse rawlsienne que critique Nozick.
Or, ces deux conséquences ne sont pas acceptables pour Nozick et elles créent des distorsions injustes. En effet la première revient à «forcer une personne à travailler pour quelqu'un d'autre» (27). Quant à la seconde, Nozick pose une question : pourquoi, par exemple, l'homme qui préfère prendre son plaisir en regardant des films ( et qui doit gagner de l'argent pour se payer un billet d'entrée) devrait-il être ouvert à l'appel requis pour aider les nécessiteux alors que la personne qui prend son plaisir en regardant les couchers de soleil (et donc n'a rien à payer pour ses plaisirs) ne l'est pas? Selon lui, la théorie rawlsienne de la justice pénalise doublement ceux qui, ayant des plaisirs coûteux, doivent payer pour ces plaisirs ( ce qu'il trouve logique) mais qui - en plus - sont contraints de payer pour les autres du fait des gains obtenus alors que tel n'est pas le cas de ceux qui ont des plaisirs qui ne leur coûtent rien (28).
c) Enfin la troisième critique que
Nozick fait à la conception rawlsienne du partage des talents consiste
dans le fait que celle-ci, selon lui, ignore le but kantien qu'elle prétend
s'être assignée à l'origine. Comment en effet prétendre
d'un côté que les individus ont une autonomie et de l'autre vouloir
faire de leurs talents - c'est-à-dire ce qui les caractérise et les
singularise- un bien commun? Dans une partie de
son texte, il écrit notamment que les principes de justice qu'il a proposés
manifestent : « dans la structure sociale de base,
le désir des hommes de se traiter les uns les autres comme des fins en
soi et pas seulement comme des moyens ». Comme le note Nozick: «11 n'y a pas de sacrifices justifiés de certains d'entre nous au profit d'autres » et c'est d'ailleurs l'un des aspects les plus radicaux de sa critique. Faire travailler les plus favorisés pour ceux qui le sont moins conduit à en faire les « instruments » de ceux qui veulent aider les plus nécessiteux. Pour Philippe Van Parisj, l'auteur de la « Théorie de la justice » a répondu à cette objection en rappelant que l'intégrité psychologique et physique des personnes était garantie par le premier principe de justice et qui reste premier pour Rawls (31). Il n'en demeure pas
moins que la philosophie rawlsienne poussée à l'extrême peut
parfaitement conduire aux dérives dénoncées par Nozick.
Quelle
limite fixer en effet aux prélèvements obligatoires et même si ceux-ci
sont justifiés à des fins sociales ? Cette fin même n'est elle pas
devenue un alibi et ne dissimule-t-elle pas souvent des logiques de
capitalisme d'État ? Vers: D) Critique de la vision rawlsienne du juste et de la nécessité (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |