° Rubrique Droit et Justice 

DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI 

 jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr

La critique de John Rawls par Robert Nozick  dans «Anarchie, État et utopie»

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Une justice ...  en vue de la cohésion sociale.

Dans la logique rawlsienne, une justice qui ne peut être que la première des vertus des institutions sociales doit nécessairement être pensée en vue de la cohésion sociale. De même, cette même logique inspirée du même Kant pose parfaitement que l'individu n'est autonome que lorsqu'il agit de manière à ce que les principes de son action soient « l'expression la plus adéquate possible de sa nature d'être rationnel, libre et égal aux autres » (16).

En quelque sorte, Nozick oublie que pour Rawls l'homme du voile d'ignorance est le véritable homme kantien. Il représente celui qui, détaché de ses appétits sensuels, délié de ses appartenances peut enfin réaliser son véritable moi (17).

Rawls reste donc cohérent. Pour l'auteur de « Theory of justice » qui fait de la justice une vertu sociale, il n'est pas incohérent de considérer que c'est une logique qui privilégie les groupes que vont choisir ces êtres « purs » en situation de voile d'ignorance, plutôt qu'une théorie tournée exclusivement vers l'épanouissement de l'individu.

Concernant le second reproche fait par Nozick à Rawls, l'inégalité se comprend également dans cette logique kantienne. Elle est le sacrifice nécessaire qui permet d'aboutir à cette « justice pure » voulue par Rawls. L'idéal permet ainsi d'admettre ce désintéressement des plus talentueux ou des plus fortunés qui accepteraient de donner aux autres; il autorise également l'abnégation des moins bien lotis qui - pour le bien de tous - accepteraient le sort qui est le leur en demandant toutefois que des correctifs soient apportés pour le bien de l'ensemble.

Malgré cette cohérence rawlsienne, les critiques de Nozick ne nous interpellent pas moins et il serait effectivement intéressant de se demander : - d'une part si - sans faire abstraction de tout idéal bien évidemment - il est plausible de fonder des principes universels de justice à partir d'hommes « purs »;

- d'autre part, si toute théorie de la justice ne doit pas en premier lieu partir du réel pour tendre ensuite vers l'idéal et non, comme le propose Rawls choisir le chemin inverse. La question reste cependant de savoir ce qu'est exactement cet homme réel et sur ce point, nul ne saurait évidemment prétendre formuler des propositions certaines.

        c ) Une troisième critique de la procédure rawlsienne est mise en évidence par Nozick.

Ce dernier en effet, note que Rawls relève que les principes de base qu'il a élaborés, par le biais de sa logique procédurale, peuvent s'appliquer non aux microsociétés, mais uniquement aux systèmes « macro-sociétaux ».

Pourtant, comme le note Nozick à juste titre, rien ne justifie une telle pétition de principe. Il écrit notamment « nous pouvons penser que puisque les principes corrects de justice sont applicables universellement, les principes qui échouent dans des microsituations ne peuvent pas être corrects» (18).

Une nouvelle objection rawlsienne peut être formulée pour répondre à cette critique. Pour Rawls - comme il s'en expliquera par la suite et c'est en cela qu'il se distingue de Nozick - l'Etat ou la structure de base ne peut être considéré comme une simple association privée. Il y aurait en lui un « plus » transcendant qui I'autoriserait à être gouverné par des principes distincts de ceux applicables aux institutions privées. C'est ce plus qui, par exemple, fait que certains sont prêts à donner leur vie pour une nation alors qu'ils veulent rarement le faire pour des entreprises privées, nous dit Rawls (mais cela est-il certain et le « patriotisme d'entreprise » n'existe-t-il pas également ?

Vers: C ) - Critique de la vision rawlsienne de l'individu et de ses talents

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Copyright Jean Jacques SARFATI professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris

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