° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frLa critique de John Rawls par Robert Nozick dans «Anarchie, État et utopie» Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - Notes Philagora tous droits réservés __________________ B) - Critique de la démarche procédurale adoptée par John Rawls (suite) a ) En second lieu - s'inscrivant ici d'ailleurs fortement dans la tradition anglo-saxonne plus pragmatique et méfiante à l'égard de ces philosophies idéalistes jugées trop arbitraires - Nozick fait un second reproche à la démarche procédurale et abstraite choisie par Rawls. Cette critique concerne cette fois les conclusions que ce dernier tire à partir de la situation originelle qu'il imagine. Nous savons en effet que pour Rawls, la société juste est nécessairement celle qui prend en compte le sort du groupe le plus défavorisé. A ce sujet, Nozick formule deux objections : - D'une part, Nozick se demande ce qui autorise Rawls à conclure que dans la situation de voile d'ignorance, les individus seraient plus facilement enclins à choisir des principes qui favoriseraient des groupes défavorisés plutôt que des individus. Pourquoi, se demande Nozick, les individus en situation imaginée par Rawls chercheraient-ils une amélioration de la position du plus déshérité? -D'autre part et presque inversement, Nozick se demande également pourquoi les plus déshérités de la société choisiraient une société inégale plutôt qu'une société égale(12). Selon lui si des personnes devaient décider contractuellement de se partager un « gâteau social », elles choisiraient plutôt un partage égalitaire. De ce fait, et presque ironiquement Nozick s'interroge sur l'attitude de Rawls qui en vient ainsi dans son travail à consacrer une « grande partie de son attention à expliquer les raisons pour lesquelles ceux qui sont les moins dotés ne devraient pas se plaindre de moins recevoir »(13). Puis il fournit un exemple pour justifier son opposition aux conclusions inégalitaires rawlsiennes. Il nous demande d'imaginer un groupe d'étudiants à qui l'on dissimule les notes d'examen et à qui l'on propose de se noter à partir du total de toutes les notes effectivement attribuées et qui lui serait communiqué. Par exemple il y a 30 étudiants, il est précisé à l'ensemble que le total des notes obtenues est 400 et il leur est demandé de s'attribuer une note sur 20 à chacun d'eux. Dans cette situation, selon Nozick, il n'y aurait aucune chance pour que ces étudiants admettent que quelques uns soient mieux notés que d'autres sous le seul prétexte que cette inégalité profiterait à l'ensemble. La seule solution plausible qu'ils imagineraient serait l'attribution d'une note égale pour tous. Celle-ci serait simplement obtenue en divisant le total des notes communiqué par le nombre d'étudiants présents.(14) Dans l'exemple qui a été choisi plus haut tous les étudiants - ou en tous les cas la majorité d'entre eux - se mettraient facilement d'accord pour attribuer une note de 13.33 à chacun. Ce second groupe de
critiques n'est pas moins troublant que le premier. Cependant et
concernant le premier reproche, nous pourrions néanmoins et également
objecter qu'une réponse peut se trouver dans la thèse rawlsienne. Il prétend ainsi - par extension de la philosophie kantienne - trouver non plus exclusivement en lui, mais au coeur de cette collectivité d'hommes rationnels et désintéressés (qu'il imagine voilés d'ignorance, ce voile n'étant alors que la marque du désintéressement le plus vrai), les principes de base « purs » de cette justice qu'il veut tenter de mettre en évidence, voire de dévoiler. Vers: Une justice ... en vue de la cohésion sociale. (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |