° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frLa critique de John Rawls par Robert Nozick dans «Anarchie, État et utopie» Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - Notes Philagora tous droits réservés __________________ B) - Critique de la démarche procédurale adoptée par John Rawls Pour Rawls - contrairement à Walzer - les principes de justice ne doivent exister en tant que tels que s'ils sont à la fois généraux et universels (7). Comment parvenir à cette universalité et imaginer des principes de justice applicables à tous ? Pour ce
faire Rawls envisage une procédure qui repose sur deux fictions qu'il
emprunte, pour l'une à Jean-Jacques Rousseau, et pour l'autre
indirectement à Kant et à Locke (8). Selon lui, pour définir des
principes universels, un accord reste indispensable et il doit lier tous
les participants de la société. Pour Rawls, le voile d'ignorance les autorise alors à créer ce qu'il considère devoir être «les deux principes de la justice sur lesquels se ferait un accord dans la position originelle», à savoir le principe du droit égal au système le plus étendu de liberté pour tous et le principe de différence qui autorise des inégalités économiques et sociales à la seule condition que celles-ci s'organisent à l'avantage de chacun et qu'elles soient attachées à des fonctions ouvertes à tous (10). Comme nous l'avons relevé, le premier groupe de critiques important que Nozick fait à Rawls porte sur cette procédure elle-même et les conclusions que l'auteur de «Theory of justice» en tire. a ) En premier lieu, Nozick se demande pourquoi Rawls choisit uniquement - comme cocontractants destinés à élaborer ses principes de justice - des êtres rationnels. Qu'est-ce qui, par exemple, selon Nozick autorise Rawls à exclure du groupe de « fondateurs » « les gens dépressifs, alcooliques ou représentants des paraplégiques » (11). Qu'est-ce qui, selon Nozick, autorise Rawls à considérer que ces personnes «a-normales» ne peuvent participer à l'oeuvre commune de construction des principes de justice ? Implicitement Nozick interroge Rawls sur sa vision étroite du raisonnable et plus subtilement, il met ainsi en évidence le lien qui existe entre la conception rawlsienne de la rationalité et les principes de justice que l'auteur de «Theory of justice» nous propose d'adopter. Les principes de justice, nous indique subtilement Nozick, sont ceux pensés par des êtres jugés « normaux » par John Rawls. Mais
qu'est-ce qui autorise ce dernier à considérer que sa vision même de la
rationalité est juste et pourquoi part-il de ce postulat sans démontrer
sa pertinence ? En effet, pour lui : d'une part les personnes sous voile d'ignorance ne sont pas conscientes de leurs atouts et de leurs faiblesses, donc des problèmes moraux ou physiques qu'elles peuvent subir ( la question d'un handicap donné ne peut donc être pris en compte) et d'autre part, il souhaite essentiellement mettre en place une théorie générale et universelle. Or celle-ci ne peut se penser à partir de situations particulières ou anormales. La
question qui se pose toutefois ici est de savoir si une théorie peut réellement
être universelle si elle n'inclut pas en son sein des logiques elles-mêmes
irrationnelles ou jugées comme telles par la collectivité ? Vers: Critique de la démarche procédurale adoptée par John Rawls (suite) (Notes en lien ouverture nouvelle fenêtre) Copyright Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |