° Rubrique Droit et Justice DROIT et JUSTICE par Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.frLa critique de John Rawls par Robert Nozick dans «Anarchie, État et utopie» Pages: 1 - 2 - 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - 10 - 11 - (Notes) Philagora tous droits réservés __________________ Critiques que nous proposerions à la fois du travail de Nozick et de Rawls.
- En premier lieu, faut-il nécessairement
abandonner à l'État le soin d'effectuer les répartitions ? Ne faut-il
pas renforcer le pouvoir des micro-structures et agir par voie
d'incitations diverses et variées, par voie d'exemples, plutôt que par
voie de taxations et d'impositions? - En second lieu, fallait-il nécessairement adopter des raisonnements aussi complexes, une démarche et des formulations techniques aussi lourdes pour exposer des thèses qui ne seront efficaces que si elles sont partagées par le plus grand nombre ? - En troisième lieu, comme le fait à juste titre Walzer, faut-il considérer que toute répartition passe nécessairement par des redistributions de biens sociaux et économiques? Être juste n'est-ce pas surtout permettre à chacun de se réaliser dans sa propre sphère et autoriser chacun à s'accomplir, plutôt que lui donner - seulement - des subsides financiers?
- Enfin, ne convient-il pas à cette
heure - plus que de penser de grands principes - d'essayer de comprendre
pourquoi ceux que les hommes proposent en théorie présentent toujours
autant de mal à être appliqués ? Penser la justice aujourd'hui n'est-ce
pas également essayer de s'interroger sur les dérives de celle-ci ? Installer la justice, n'est-ce pas penser des nouveaux modes pour sélectionner les élites chargées d'appliquer les principes et, dans le même temps, assurer un contrôle permanent sur leur action ? L'injustice n'est-elle finalement pas pour un État ou tout gouvernant le fait d'imposer des lois ou de les appliquer en contradiction flagrante avec les fins que cet Etat s'est donné et les principes qui fondent le pouvoir qui lui est accordé ? En conclusion, si l'opposition libertariens / sociaux-démocrates est essentielle, ne faut-il pas aussi la dépasser aujourd'hui si nous voulons approcher ce qui est juste ? L'État juste n'est-il pas aujourd'hui surtout - et avant tout - alors que libéralisme débridé et social-démocratie ont montré leurs limites respectives - l'État qui se contente de respecter les règles qu'il a fixées plus que celui qui forme de grandes et belles déclarations d'intention et ne respecte aucune d'elles ? Nous savons que -
chaque jour - des injustices sont commises dans des États libéraux au
nom même de la liberté qu'ils prétendent défendre, et que les mêmes -
en sens opposé - le sont dans d'autres collectivités qui prétendent
agir pour le seul bénéfice des nécessiteux. La
justice ne doit-elle pas aussi et surtout se rechercher dans l'application
du droit plus que dans le droit lui-même et est-il aujourd'hui nécessaire
de repenser ces grands systèmes cohérents ou de les opposer seulement
l'un à l'autre ? Tout système - dès lors qu'il est rationnel et appliqué loyalement - ne contient-il pas en lui-même des logiques de justice et ne convient-il pas de l'approfondir et de s'y tenir en toute loyauté et fidélité ? La justice n'est-elle donc pas un pacte qui se juge à la fois lors de son élaboration et de son exécution ? Dès lors, toute théorie
de la justice ne doit-elle pas aujourd'hui surtout - et plus particulièrement
dans notre pays - être une théorie qui oblige à choisir clairement les
objectifs que l'on s'est fixé, à s'y tenir et qui ainsi, aide chacun à
penser la fidélité, la loyauté, la clarté des choix et le respect de
la parole donnée? N'est-elle pas
celle qui permet d'assurer à tous moments la résistance contre soi
d'abord et contre tous pouvoirs abusifs ensuite ? Cette résistance
est-elle la seule affaire des systèmes philosophiques abstraits : nous ne
le pensons évidemment pas. La
justice, ne doit pas se finir, ni se dé-finir, car si elle était résumée
dans l'action d'un homme, elle ne serait qu'actes et se fermerait aux
paroles ; si elle pouvait être enfermée dans une théorie, elle ne
serait que paroles et se fermerait aux actes... > (Notes) Copyright Jean Jacques SARFATI professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de Paris ° Rubrique Droit et Justice |