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Rubrique Droit et Justice
DROIT
et
JUSTICE par Jean Jacques SARFATI
jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr
Les
sphères de Justice de Michaël Walzer Critiques
et propositions d'interprétation
par Jean Jacques SARFATI
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2) La question
de la justice sociale et la puissance de la convention
Ronald Dworkin
reconnaissant de véritables mérites à ce travail, reprend une partie de
la critique de Daniels. Il considère en effet que nous ne pouvons pas
" nous
permettre d'abandonner la question de la justice sociale à la
puissance de la convention" et que toute théorie ne peut contribuer
au bon gouvernement que par une " lutte acharnée contre la tentation
de se laisser entraîner par sa propre culture" (26).
Cependant il reproche essentiellement à Walzer d'avoir mal appréhendé
le débat sur la justice. En effet, selon lui, «dans le débat
politique, on ne part jamais d'un consensus sur les principes de
distribution qu'il faut appliquer. Tous les modèles importants font
l'objet de controverses où s'affrontent des modèles concurrents» (27).
Ainsi sur la question de la confusion entre la politique et l'argent, le
problème n'est pas réellement, pour Dworkin, celui de la différenciation
des sphères sur laquelle a priori tout le monde paraît
-officiellement à tous le moins - en accord, mais celui de la problématique
plus concrète de la publicité télévisée des slogans politiques par
exemple.
En d'autres termes, pour notre auteur, personne ne se demande s'il est
juste aujourd'hui qu'un homme riche et puissant utilise cette puissance et
cette richesse pour se faire élire à un poste important, mais si ce
dernier peut inonder les télévisions de publicités vantant ses mérites
et ce, dans le seul but de se faire élire.
Cette question déplace le débat car chacune des thèses s'appuie sur un
argument philosophique important: les partisans de la publicité politique
télévisée s'appuient sur la question de la liberté,d'expression et
ceux de l'interdiction de cette même publicité sur le respect de l'égalité
entre chaque candidat?
Autrement dit, pour Dworkin la véritable problématique de la justice est
celle qui - sur cette question et de nombreuses autres - oppose liberté
et égalité.
Cette critique importante peut, vue sous un certain angle, éclairer un
aspect de la démarche de Walzer. Certes Michaël Walzer s'affirme en tant
que libéral, cependant il se dit libéral communautarien. En conséquence
l'autonomie réelle des sphères prime plus pour lui qu'une certaine forme
de liberté.
De ce fait, la publicité politique, télévisée ne sera donc pas
autorisée pour deux raisons dans le système walzérien :
- d'une part parce qu'en principe les médias
ne doivent pas (en tant que sphères distributives autonomes) dépendre de
l'argent pour leur existence; .
- d'autre part, parce que ces même médias,
si ils interviennent, risquent de fausser le débat entre les politiques.
.
Celui qui disposerait d'un temps d'antenne supérieur par ce seul biais,
semblerait disposer d'un pouvoir d'influence plus grand qu'il n'y paraît
sur les journalistes, eux-mêmes censés constituer la médiation avec le
public.
Mais alors comment permettre à ceux qui travaillent dans la presse de
vivre?
La thèse de Nalzer ne nous permet effectivement pas de répondre à cette
question. Elle semble donc peu réaliste de ce point de vue. De même
comment se prétendre libéral si, dans le même temps, l'on impose une série
d'interdictions, quant à l'usage par les sphères de cette liberté, et
si J'on interdit à la presse de s'alimenter par le biais des ressources
publicitaires?
Comment assurer la régulation entre les différents médias et éviter
que ceux qui utilisent des moyens conséquents sabordent ceux de meilleure
facture qui rechignent à penser en termes financiers? Quid d'une instance
de régulation externe et qui, de ce fait, selon la thèse walzérienne,
abuserait nécessairement de son pouvoir?
Enfin comment éviter qu'une agence de presse, sous prétexte de prétendue
objectivité ne soit pas tentée par elle-même de favoriser des
politiques fortunés plutôt que de plus humbles prétendants à la
fonction politique?
Les questions induites par 'a critique de Dworkin ne sont pas minces.
Elles mettent essentiellement en question le caractère par trop
protestataire - déjà évoqué - des thèses walzériennes.
Celles-ci en effet, trop axées sur la séparation nécessaire des sphères
oublient qu'un lien unit chaque dimension du corps social et des relations
humaines et que s'il est réaliste et souhaitable - comme le soutient à
juste titre Nalzer - de souhaiter l'autonomie de chacune d'elles, il ne
l'est pas en revanche de vouloir nier que celles-ci sont reliées entre
elles et de ne pas approfondir la réflexion menée sur la justice à
partir du lien des sphères.
En d'autres termes, par sa critique, Dworkin rappelle à Nalzer que toute
séparation, quelle qu'elle soit, reste nécessairement fausse et
arbitraire et qu'à un certain moment, la réalité impose d'ignorer les
frontières que les hommes créent afin de se protéger/ou protéger
"essence même de leur "sphère".
Cependant, cette critique n'est pas décisive car en aucune manière
Dworkin ne parvient à démontrer en quoi la thèse walzérienne
d'autonomie et de séparation des sphères reste fausse sur ses grandes
lignes. Ce qu'elle met essentiellement en évidence c'est la réelle
insuffisance de cette thèse quant à la définition de la sphère et le
manque de réflexion de celle-ci sur la nature des séparations qu'elle prétend
vouloir imposer.
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minorités à l'intérieur des communautés ou des sphères
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Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de
Paris
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