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Rubrique Droit et Justice
DROIT
et
JUSTICE par Jean Jacques SARFATI
jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr
Les
sphères de Justice de Michaël Walzer Critiques
et propositions d'interprétation
par Jean Jacques SARFATI
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3)
Pour Michaël Walzer, comme le note M. Hunyadi: « la justice
sociale n'existe pas: elle
est quelque chose... d'irréductiblement interne aux différents régimes
de distribution ». La justice est définie à l'intérieur de chaque
sphère. Elle n'est que relative.
En conséquence, pour Walzer il est inutile, voire contraire à l'idée même
de justice, de vouloir fonder une théorie universelle en la matière.
Car, toujours selon notre auteur, celle-ci se voulant universelle, elle
ignorerait les conceptions propres à chaque lieu, à chaque homme ou à
chaque emploi. En conséquence, perdant le lien avec le réel, la matière
sur laquelle cette justice se doit d'agir, celle-ci perdrait ses « racines»
(16). Elle serait irréelle, donc injuste.
Walzer insiste donc ici, implicitement sur les liens nécessaires que la
justice se doit d'avoir avec le réel. Il nous pose une question: que
serait une justice déracinée du réel si ce n'est un monstre froid, une
théorie arrogante et inutile?
Ce qui est essentiel pour Walzer n'est pas la mise en oeuvre de ces
principes purs, mais la connaissance des significations partagées. Ces
significations « partagées» seules autorisent à la fois la
connaissance et la pénétration du réel, un lien entre les principes et
la réalité.
Pour Hunyadi, Walzer serait cognitiviste, une règle serait injuste si
elle: « ignore certaines données factuelles» (17). Michael
Walzer est donc opposé à toutes les thèses de type marxiste, voire
globalisantes ou univoques sur la justice.
Il rejette explicitement la thèse rawlsienne contre laquelle il paraît même
avoir construit son travail et qui, selon lui, risque de créer de
nouvelles injustices si elle est appliquée. En effet, pour Michaël
Walzer, la régulation réclamée par Rawls sera nécessairement du
ressort de l'État et « le pouvoir étatique lui-même
deviendra l'objet 1 central de ,la lutte compétitive. Le besoÙ1
politique - en tant que bien - s&ra recherché au-delà
de tous les autres biens» (18).
«Il est inutile de chercher une justice et des principes de justice
valables pour tous et de tous temps» semble-t-il nous indiquer. On
simplifierait une réalité complexe qui doit, pour Walzer, demeurer
telle, se satisfaire de cette complexité et ne rechercher la justice que
dans l'harmonie. . .
Pour Walzer dès lors qu'une société s'assure de ces éléments
essentiels que sont : l'autonomie des sphères, le respect mutuel et le
respect de soi partagé, ceux-ci.
produisent alors "un partage plus grand que tout autre dispositif
concevable" 1 (19).
Cet ensemble d'essentiels est suffisant. Il est inutile de vouloir
s'engager plus loin et de "construire" une idéologie ou une
oeuvre à vocation généraliste. Par essence, ce type de constructions
est, pour Walzer, voué à l'échec; réaliser la justice, pour Walzer
c'est favoriser "harmonie (20).
La justice walzérienne se veut donc modeste. Elle implique écoute des
valeurs ainsi que des règles qui la fondent. Si l'on suit, Michaël
Walzer jusqu'au bout, il faut donc en conclure que l'État ne doit que
fort peu intervenir. Un État trop interventionniste ne peut, en effet,
qu'ignorer les sphères et leurs spécificités. En ce sens, Walzer est un
libéral communautarien.
Il paraît s'être construit par le refus des thèses qui, selon lui, sous
couvert de vocation a la justice n'ont généralement pour effet que
d'autoriser ou de légitimer la domination d'un groupe d'individus sur
l'ensemble social. Walzer nous paraît donc également pragmatique dans sa
démarche. En ce sens, il peut se penser comme spécifiquement nord-américain,
donc impliqué lui aussi dans les significations partagées de son pays.
En effet, outre l'attachement affiché des penseurs anglo-saxons pour le réel
plutôt que pour, l'idéal, les États-Unis se sont constitués-
religieusement - par le rejet du papisme et du jésuitisme dominant au
XVlllème siècle et - politiquement - par le refus des puissances européennes
dominantes et notamment les abus économiques et politiques des Parlements
anglais.
Walzer nous propose une thèse qui - par certains aspects - refonde cette
démarche et la re-légitime, ce même si paradoxalement sa théorie s'est
construite en réaction aux thèses contemporaines dominantes de la
philosophie anglo-saxonne. Nul ne peut lui en faire le grief, il est le
premier à nous rappeler que toute conception de la justice est
"relative", et doit être ancrée dans le monde qui l'a
produite.
Ce travail important a néanmoins suscité quelques réserves et critiques
qu'il convient à présent de présenter.
Vers la page
suivante - Les
critiques de la thèse walzérienne.
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Copyright
Jean Jacques SARFATI jean-jacques.sarfati@wanadoo.fr professeur de philosophie en région parisienne, juriste et ancien avocat à la cour d'Appel de
Paris
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